Oncle Vania : Une journée à la campagne
En signant Oncle Vania chez Duceppe, Yves Desgagnés ouvre avec brio son année Tchekhov.
Nombreux sont ceux qui ont affirmé que le théâtre de Tchekhov ne vieillissait pas, que ces quelques pièces éclairaient le siècle qui les a vues naître aussi certainement que ceux qui le suivirent. En proposant sa relecture d’Oncle Vania, Yves Desgagnés fait bien mieux, il prouve, de manière tangible, indéniable, l’intemporalité d’une oeuvre écrite il y a plus de cent ans.
En plus de jeter un pont entre les époques, notamment en abordant des sujets aussi actuels que la conservation des forêts, cet Oncle Vania met en relief une incontestable parenté entre l’âme russe et l’âme québécoise. Si les déboires de ces individus – habitants d’une maisonnée qui nage dans la mélancolie, la désillusion et les regrets – nous émeuvent autant, c’est qu’ils s’apparentent terriblement aux nôtres.
Autour du pavillon érigé par Stéphane Roy et éclairé par Éric Champoux, Yves Desgagnés fait graviter douze corps, astres noirs d’une admirable constellation. Sous nos yeux, les êtres s’agitent, s’étreignent et se repoussent en un bien cruel ballet. À la musique, Catherine Gadouas a choisi des airs poignants, des chansons traditionnelles russes que Kathleen Fortin entonne de sa voix puissante. Michel Dumont incarne un Vania extraordinaire, un homme sacrifié. Henri Chassé campe un Astrov touchant, tissé d’ombre et de lumière. Gérard Poirier est un Sérébriakov hors pair, aussi drôle que détestable. Maude Guérin endosse une Éléna écartelée, frivole et lucide à la fois. Catherine Trudeau défend Sonia de manière bouleversante, en étant portée jusqu’à la fin par l’espoir d’un ailleurs meilleur.
Le malheur de cette galerie de personnages, bien plus impérieux qu’un banal spleen, plonge ses racines dans les fondements de la condition humaine. Si Tchekhov a prouvé sa virtuosité en dessinant l’homme et la femme, les mains tendues vers l’insaisissable objet de leur bonheur, Desgagnés fait preuve d’une maîtrise comparable lorsqu’il s’agit d’entraîner ses contemporains à la rencontre d’eux-mêmes. On a déjà hâte que la troupe se mesure à La Mouette, au Théâtre du Nouveau Monde, en mars.
Jusqu’au 2 décembre
Au Théâtre Jean Duceppe
Voir calendrier Théâtre
À voir si vous aimez
Le film Vanya on 42nd Street de Louis Malle
Le cycle Tchekhov du Théâtre de l’Opsis