Patric Saucier : Fahrenheit 451
Patric Saucier met en scène Les Combustibles, unique pièce d’Amélie Nothomb. Une histoire de livres et de guerre, où se révèle l’animalité de l’homme en situation de crise.
Alors que la guerre et, surtout, l’hiver font rage, un professeur (Jack Robitaille) accueille chez lui son assistant (Fabien Cloutier) et sa copine (Catherine Dorion). Mais bientôt, ils n’ont plus, pour se réchauffer, que des livres à brûler. C’est ainsi que s’engage un impitoyable jeu de pouvoir… "Ce qui m’intéressait, c’était de voir la part animale de l’humain placé en contexte de crise, affirme Patric Saucier. Pour moi, le sujet profond de la pièce d’Amélie Nothomb, c’est cette bestialité qui sommeille en nous et qui est prête à ressortir selon la situation. Naturellement, il y a un enrobage philosophique autour de ça. Quel est le dernier livre qu’on va brûler? C’est la question qu’elle pose. Mais à mon sens, c’est pour faire diversion, pour donner un sujet de conversation à ces humains qui se transforment en animaux. En fait, c’est une étude qu’elle propose. Elle ne prend pas position, et c’est parfait. Elle ne situe pas la guerre, et les auteurs n’existent pas. Comme ça, on est plus intéressés de voir comment ce monde-là patouille à travers cette hiérarchie que de se demander quel roman on brûlerait en dernier." Au sujet de son écriture, il remarque par ailleurs: "C’est très littéraire, à la limite des fois du roman adapté. Et ça donne un ton à la pièce, une structure bien intéressante. La difficulté est de ne pas la travailler sous son aspect cérébral. Au contraire, ce qu’il faut trouver, c’est ce que ces gens-là font d’autre que de parler."
Ainsi a-t-il intégré à sa mise en scène, qui "s’amuse avec les corps plus qu’avec le texte", diverses situations et actions de son cru. "Ce que j’ai essayé de mettre en avant, c’est l’aspect animal en cage, explique-t-il. Donc, l’action se passe toujours dans la même pièce sur une longue période. Pour les costumes, on est partis du principe que, dans une guerre, les gens pillent les cadavres. Au premier jour, tu as tes vêtements; deux mois plus tard, tu as les vêtements d’un autre que tu as retrouvé mort dans la rue, etc. Si bien que le costume évolue comme ça; plus le spectacle avance, plus les personnages ressemblent à des animaux." Pour le public, placé dans un "état de voyeurisme devant une détresse humaine", ceux-ci prennent par ailleurs des airs de rats de laboratoire. "Je veux que les gens aient des visions de guerre, qu’ils soient concernés par ça. Alors, j’ai essayé de briser leur confort par moments. Ce qui fait qu’il y a des scènes qui ne sont pas belles, pas esthétisées du tout, pour qu’on se dise tout d’un coup: "Ayoye! C’est pas plaisant ça…"" Quant à la scénographie, elle "sert beaucoup l’idée de la cage, mais aussi l’idée du regard du spectateur porté sur une situation précise". "Ce que j’ai voulu, c’est qu’on sente qu’autour il y a d’autres cages avec d’autres animaux, que le drame est vécu par plein de monde", note-t-il, avant de conclure à propos de l’atmosphère qui règne sur scène: "Ce qui est frappant, avec cette pièce, c’est que, malgré la dureté du sujet, des situations, elle est extrêmement drôle. Et ça me permet, à moi, de mettre encore plus l’accent sur les moments où on ne rit pas et de rendre ça heavy. On rit, on rit, on rit, après on est bousculés et, deux minutes plus tard, on se remet à respirer et à rire encore." Des contrastes qu’on imagine percutants…
Au Grand Théâtre
Jusqu’au 2 décembre
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