Vincent River : Enfant prodigue
Scène

Vincent River : Enfant prodigue

Vincent River, un poignant huis clos de Philip Ridley, défendu avec beaucoup d’aplomb par Danielle Proulx et Renaud Lacelle-Bourdon.

En 1994, au Théâtre de Quat’Sous, Marie-Louise Leblanc signe la mise en scène de Pitchfork Disney, la première pièce de Philip Ridley. Il aura fallu attendre douze ans pour découvrir, sous la houlette de Robert Bellefeuille, un nouveau texte du prolifique écrivain britannique. Coproduit par le Théâtre de la Vieille 17 (Ottawa) et le Théâtre de Quat’Sous, Vincent River est un huis clos aussi déchirant que salvateur, un face-à-face dont la traductrice Maryse Warda a su recréer toute la véhémence.

À Londres, entre les quatre murs lézardés du petit appartement de l’East End où elle vient d’emménager, Anita veille, tente, bien maladroitement, de survivre au meurtre atroce de son fils, Vincent River, un homme de 30 ans sauvagement assassiné dans un lieu de drague homosexuelle. Depuis quelques semaines, la femme de 53 ans est poursuivie, presque jour et nuit, par un jeune homme de 16 ans. Le jour où, excédée, Anita se décide à faire entrer Davey chez elle, le mécanisme des aveux s’enclenche. Liés par un pacte, mais surtout par une perte cruelle, un impossible pardon, les deux protagonistes vont, au terme d’un impitoyable interrogatoire, faire surgir la vérité, l’extirper des entrailles de l’autre. Sans pathos, la pièce, fine horlogerie, expose les moindres mouvements d’une véritable rédemption.

Pour plonger dans les eaux sombres du deuil, de la culpabilité et des regrets, pour s’élancer dans le vide effrayant laissé par la disparition de ceux qui comptent le plus, Robert Bellefeuille a choisi des acteurs à la hauteur. Avec beaucoup de finesse, par petites touches, Renaud Lacelle-Bourdon dévoile le monde intérieur d’un adolescent, un geyser que les trahisons répétées de la vie ne sont pas parvenues à assécher. Danielle Proulx, comédienne de grand talent, donne du caractère et de l’humour, bref de l’authenticité à son personnage. Quel bonheur de la retrouver au théâtre! À toutes ces qualités artistiques, il faut ajouter la portée sociale d’une telle pièce, l’importance du message qu’elle défend. Parce que, malheureusement, certaines formes d’amour sont encore considérées comme plus acceptables que d’autres.

Jusqu’au 2 décembre
Au Théâtre de Quat’Sous
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