Antoine Laprise : Critique de la raison pure
Scène

Antoine Laprise : Critique de la raison pure

Antoine Laprise débarque à Montréal avec une adaptation très libre du Discours de la méthode, l’oeuvre maîtresse de Descartes, publiée en 1637.

En fondant leur compagnie, à Québec, en 1994, les membres du Théâtre du Sous-Marin Jaune ont donné naissance au Loup Bleu, une marionnette dotée d’un caractère et d’un sens de la répartie peu communs. Mascotte, emblème, porte-parole, source d’inspiration… le personnage endosse toutes ces fonctions à la fois. Antoine Laprise, auteur, metteur en scène et manipulateur du Loup Bleu, explique: "Le Loup Bleu, c’est moi, mais c’est aussi une entité collective, parce que tous les acteurs et concepteurs, à tous les niveaux, le nourrissent. C’est la seule marionnette qui assure la direction artistique d’un théâtre! Ça a l’air d’un clin d’oeil, d’un pied de nez, mais au fond, c’est vrai. Dès que tu inventes un personnage, il finit par te dépasser, par avoir ses propres caractéristiques. C’est à la fois difficile et stimulant d’écrire pour ce personnage-là. En fin de compte, le Loup Bleu, c’est une exigence!"

Après Candide (1995-1998) et La Bible (2000-2004), des spectacles qui ont parcouru le Québec, le Canada et plusieurs pays d’Europe, le Sous-Marin Jaune créait l’an dernier, avec autant de succès, le Discours de la méthode, un spectacle inspiré d’un traité publié en 1637 par le philosophe, mathématicien et physicien français René Descartes. Selon Antoine Laprise, l’oeuvre maîtresse du père de la science moderne est beaucoup plus accessible et surtout beaucoup plus captivante qu’on pourrait le croire: "De toutes les oeuvres de Descartes, c’est assurément la plus narrative. En l’abordant, j’ai découvert une autobiographie intellectuelle, l’histoire d’une pensée. En ajoutant des éléments biographiques, principalement tirés de sa correspondance, il y a assez de matière pour en faire un vrai récit." Ici comme ailleurs, le créateur continue de se porter à la défense de la pensée, et plus précisément de son dynamisme: "L’évolution d’une pensée, c’est quelque chose d’épique en soi. Pourquoi est-ce qu’on considère tout ce qui est intellectuel comme difficile, décroché de la réalité, alors qu’il est impossible de vivre sans conceptualiser? Cette opposition entre raison et émotion, c’est un cloisonnement qui m’apparaît un peu débile. En réalité, on est tous des intellectuels, tous les êtres humains le sont, par définition."

JE PENSE, DONC JE SUIS

Antoine Laprise, qui a longuement fréquenté la prose de Descartes, explique que l’homme, mort en 1650, se prononçait en faveur d’une démocratisation de la pensée: "Descartes considère que l’être humain est, en soi, capable de penser, il estime que la machine humaine est intelligente, au-delà de l’éducation ou de quoi que ce soit d’autre. En ce sens, il est très moderne!" Pour donner chair aux théories, la représentation fait appel à de nombreuses marionnettes, aux rebondissements du récit et au talent des comédiens: Jacques Laroche, Guy Daniel Tremblay, Dominique Marier et Antoine Laprise. En transposant de manière aussi personnelle et vivante, loin de toute nostalgie, de grandes oeuvres de la littérature mondiale, les membres de l’équipage du Sous-Marin Jaune ne sont ni plus ni moins que des passeurs: "C’est dans l’écrit que notre civilisation a inscrit sa pensée. Chercher et réactiver tout ça, ce n’est pas de la nostalgie. Quand tu habites dans une maison, tu as envie d’aller voir ce qu’il y a dans la cave, dans le grenier, de trouver des réponses aux questions fondamentales: Qui sommes-nous? D’où venons-nous? Où allons-nous?" Ça tombe bien, parce qu’en compagnie du Loup Bleu, on accepterait de s’aventurer n’importe où, même dans les recoins les plus sombres.

Du 21 novembre au 9 décembre
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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