Blue Heart : Société tu m’auras pas
Avec Blue Heart de Caryl Churchill, Martine Beaulne nous propose une confrontation sans complaisance avec les travers de nos sociétés contemporaines.
En avril 2005, Martine Beaulne présentait Top Girls de Caryl Churchill à l’Espace Go. Aujourd’hui, avec Blue Heart, la metteure en scène poursuit son exploration de l’oeuvre de l’auteure britannique. "Avec Caryl Churchill, j’ai découvert une écriture combattante, franche et honnête, qui regarde nos angoisses mondiales en face. Elle parle de l’isolement, du manque de communication dans les familles, des questions identitaires, de la misère des jeunes, du vide existentiel de notre époque et des ravages du néolibéralisme sur l’individu…", explique celle qui affirme se reconnaître dans les préoccupations artistiques, philosophiques et politiques de l’auteure. "Aujourd’hui, on culpabilise sans cesse l’individu devant les travers de la société. Dans ses pièces, Caryl Churchill met le doigt sur l’engrenage: c’est de l’extérieur que tout se dérègle, c’est le système qui provoque nos angoisses."
Blue Heart est composé de deux pièces qui se font écho, Désir du coeur et Cafetière bleue, écrites en 1997, au moment de l’arrivée de Tony Blair au pouvoir. "Je pense qu’on peut y voir des allusions très claires au désenchantement politique qui a suivi l’arrivée des travaillistes au gouvernement. Dans les deux pièces, Caryl Churchill met en scène des personnages incapables de communiquer, se débattant dans un monde vide de sens", interprète Martine Beaulne.
Dans Désir du coeur, on plonge dans l’univers psychique de Brian, un père qui attend le retour de sa fille partie en Australie, une "attente interminable" qui légitime son existence et qui masque le vide, l’échec lamentable de son couple. "Dans la première pièce, il n’y a pas d’évolution chronologique. Les conversations se répètent parfois à l’infini, et chaque phase du dialogue est ponctuée d’une orchestration de mouvements, de gestes qui reviennent sans cesse", décrit-elle.
Dans Cafetière bleue, on suit les aventures de Derek, un jeune homme manipulateur qui cherche à convaincre cinq dames âgées qu’il est en réalité le fils qu’elles ont dû jadis placer en adoption. Peu à peu, il perd le contrôle de son discours, atteint d’un mystérieux virus qui déconstruit son langage, tandis que les mots "cafetière" et "bleue" s’insinuent dans ses phrases. "Tout au long du spectacle, le spectateur doit garder son coeur et sa tête constamment en éveil, pour traduire les mots qui se cachent derrière "bleue" ou "cafetière", pour identifier les gestes qui se répètent. Les procédés d’écriture de Caryl Churchill ne sont pas purement formels, ils sont très cohérents. Il ne s’agit pas d’un exercice de style mais bien d’une écriture profondément théâtrale. Je pense qu’on peut comparer ces deux pièces à un jeu très sensoriel dont on comprend peu à peu les règles au fur et à mesure du déroulement de la partie et qui nous force à réfléchir, à aller plus loin", affirme Martine Beaulne.
Du 21 novembre au 16 décembre
À l’Espace GO
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