Florence : Les chemins de la liberté
Scène

Florence : Les chemins de la liberté

En présentant Florence au Théâtre Denise-Pelletier, la compagnie Kléos a misé juste: la pièce de Marcel Dubé risque de rejoindre davantage le jeune public que les spectateurs adultes.

Montréal, milieu des années 50. Florence, 23 ans, est insatisfaite. Elle en a ras-le-bol de son quotidien drabe, de son lourdaud de fiancé et de sa famille, dont les valeurs conservatrices nuisent à son épanouissement. Son environnement de travail, une boîte de publicité branchée, représente pour elle l’occasion de sortir de "sa p’tite vie plate". Elle veut des papillons dans le ventre, ceux qui sont provoqués par la peur qu’on défie pour réaliser ses rêves. Acculée au pied du mur par son amie Suzanne qui lui vante les mérites d’une vie affranchie et tentée par son patron Eddy dont les avances se font de plus en plus insistantes, elle passe à l’action et rompt ses fiançailles avec Maurice. Elle règle ensuite ses comptes avec son jeune frère, avec sa mère – rébarbative à ses revendications – et avec son père, plus réceptif que jamais. Puis, elle court chez Eddy, attirée par les belles paroles du tombeur de ces dames.

UN COURS D’HISTOIRE

En moins de 24 heures, l’univers de Florence se retrouve bouleversé par les seuls gestes qu’elle pose et qui constituent le moteur de la pièce. On sent inévitablement un décalage entre les préoccupations du personnage principal et celles des jeunes filles d’aujourd’hui, qui n’hésitent plus à quitter le giron familial pour aller vivre en appartement, à faire l’amour avant le mariage ou à défier leurs parents… Les principaux enjeux dramatiques de l’oeuvre, carrément novateurs en 1957, semblent avoir perdu du lustre. Mais le public du Théâtre Denise-Pelletier, majoritairement composé d’étudiants, risque tout de même d’y trouver son compte. Les adolescentes éprouveront sans doute de la sympathie pour Florence, qui se prépare à devenir une femme et qui se débat pour trouver son identité propre. À travers cette héroïne, les jeunes peuvent percevoir la quête d’émancipation de leur mère ou de leur grand-mère, celle-là même qui a contribué à forger les femmes et les adolescentes qui peuplent le Québec d’aujourd’hui. Et puis, le besoin d’affirmation et de revendication des jeunes demeure intemporel!

ENTRE PASSÉ ET PRÉSENT

Florence est au confluent de deux systèmes de valeurs: la sécurité que lui offre sa famille et l’ouverture au monde que lui propose son travail. La scénographie d’Anne-Séguin Poirier traduit physiquement la déchirure intérieure du personnage. Les aires de jeux se composent de deux plates-formes cubiques mouvantes et surélevées. L’une représente le bureau, l’autre, la maison. La jeune femme évolue entre ces lieux distincts qui s’arriment, sans se compléter. Les mobiliers, design et costumes nous donne une image claire de l’époque, tout en demeurant objets vivants d’un temps passé. Ainsi, la mise en scène de Jacques Rossi apporte modernité, vivacité et dynamisme au propos.

Les comédiens savent tirer leur épingle du jeu. Dans le rôle-titre, Marie-Anne Alepin verbalise clairement son angoisse et ses questionnements, bien que sa véritable détresse émotive reste parfois difficile à saisir. Michel Daigle, qui interprète Gaston, le père de Florence, est touchant de sensibilité. Le jeu de Pauline Martin (qui campe la mère) sonne juste, même si on sent parfois la comédienne tendue et crispée. Dans la peau d’Eddy, Louis-Olivier Mauffette rempli bien son rôle de séducteur sans scrupule, mais le côté caricatural de son personnage lui enlève une pointe de crédibilité.

Jusqu’au 25 novembre
Au Théâtre Denise-Pelletier
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