Incendies : Le rouge et le noir
Incendies crée un malaise intelligent. Voilà une tragédie universelle, d’amour, de haine et de conciliation.
"Maintenant que nous sommes ensemble, ça va mieux." À la suite de cinq années de silence, ce sont les mots que Nawal prononce avant de partir pour la paix éternelle. Dans le deuil, elle laisse ses jumeaux Jeanne et Simon (Isabelle Leblanc et Reda Guerinick) et le notaire et ami, Hermine Lebel (Richard Thériault). Pour les premiers, la mort de leur mère est le début d’une histoire, celle de leurs origines. En tant qu’exécuteur testamentaire, Lebel sera quant à lui celui qui apprendra aux bessons l’existence d’un frère et d’un père restés au "pays"; le même qui a vu naître leur mère. C’est le Liban et sa guerre civile, mais ça importe peu; que ce soit au Kosovo, au Rwanda ou en Somalie, la guerre, c’est la guerre.
MISE EN SCÈNE INGÉNIEUSE
Une guerre passée en toile de fond, via trois âges et deux pays, une intrigue se crée et tient alerte. Les tableaux s’emboîtent et se fondent admirablement. Tel le feu qui s’étend toujours un peu, il n’y a pas de coupure, pas de frontières. Les époques, les espaces se côtoient et se marient. Tout est relié à Nawal, présentée à 14 ans (Isabelle Roy), à 35 ans (Annick Bergeron) et à 60 ans (Andrée Lachapelle).
Le décor est sobre et efficace. De par sa transparence brouillée, le mur carrelé en fond de scène est fort en symboles et s’accorde bien au texte. Les éclairages d’Éric Champoux sont intenses et touchants, particulièrement lorsque la scène s’illumine d’un rouge écarlate.
LES RACONTEURS
Les comédiens possèdent sans conteste leurs personnages. Malgré la brutalité du texte, jamais ils n’oublient qu’ils racontent une histoire. Grâce à quoi l’oeuvre-fleuve de trois heures est sans longueur. Et parler d’Incendies sans mentionner l’humour serait fautif. Juste avant qu’une scène ne devienne trop lourde, elle est allégée par un élément vif et ludique. Règle générale, c’est à Thériault que l’on doit les rires. Amusant dans la peau du notaire trop gentil, il mutile naïvement les proverbes. "Il doit y avoir anguille tout croche!"
À la fin, tout le monde est ensemble. Nawal avait raison, ça va mieux. Réunis, devant la vérité dénudée; une pluie délicate tombe et calme le feu. Reste néanmoins une odeur de fumée.
Jusqu’au 2 décembre
Au Théâtre du Nouveau Monde
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