Le Ballet Preljocaj : L'heure de la récré
Scène

Le Ballet Preljocaj : L’heure de la récré

Le Ballet Preljocaj vient faire la pluie et le beau temps au Québec avec une version rafraîchissante des 4 saisons… La tournée commence à Montréal.

Il a d’abord dansé pour le célèbre et trop tôt disparu Dominique Bagouet et très vite, il a déployé ses ailes pour devenir un des chorégraphes chéris de l’Hexagone. C’était au début des années 80. Aujourd’hui, Angelin Preljocaj est à la tête d’un Centre Chorégraphique National et d’une compagnie de 24 danseurs permanents qui donne chaque année une centaine de représentations en France et à l’étranger. Il a signé plus de 30 chorégraphies et celle qu’il vient nous présenter a la particularité d’être ludique et joyeuse. "En 2004, j’avais créé la pièce N qui parlait de la violence du monde, de torture, d’humiliation, etc.", raconte le Français d’origine albanaise joint à Aix-en-Provence où il est établi depuis 1996. "On avait travaillé pendant des mois cette thématique qui nous avait tous fragilisés et bouleversés. Du coup, j’avais promis aux danseurs que la création suivante serait quelque chose de vital avec une énergie de résurgence et j’avais dit en rigolant qu’on travaillerait sur Les Quatre Saisons."

Quand il réécoute cette oeuvre d’Antonio Vivaldi, il en redécouvre toute la puissance et réalise que son plus gros défaut est d’être trop connue et d’être galvaudée. Comment renouer avec le mystère et la beauté originelle de cette musique diffusée dans les centres commerciaux et devenue indicatif musical de sonneries de téléphones cellulaires? En élaborant la pièce à partir des notions de jaillissement, d’exaltation, de suspension et de vibration, qui lui semblent propres à la lumière et aux saisons. Aussi, en allant chercher un complice dans une autre discipline pour créer des perturbations "météorologiques" inattendues. Angelin Preljocaj le trouve en la personne de Fabrice Hyber, plasticien designer et créateur d’installations publiques réputé pour ses POF, Prototypes d’Objets en Fonctionnement.

Objets du quotidien détournés de leurs fonctions premières comme l’escalier sans fin, les éponges-patates, les pantachaises (de pantalon et de chaise) ou le Ted Hyber (costume d’ours en plastique gonflable), les POF viennent ainsi habiller l’espace et les 12 danseurs tout en les bousculant. "J’avais un contrat moral avec Fabrice Hyber: je n’avais le droit de refuser aucun objet qu’il me présentait, explique le chorégraphe. Les POF venaient déstabiliser la danse, nous amenaient à questionner notre mouvement et nous apportait une nouvelle énergie. À chaque fois, on a jubilé de résoudre les problèmes qu’ils nous posaient et d’en faire quelque chose de passionnant et de drôle."

Si l’apport de cet artiste visuel proclamé "chaosgraphe" pour l’occasion est indéniable, certains lui ont cependant reproché de voler en partie la vedette à la danse. "C’est un point de vue que je peux admettre et que je respecte, commente Angelin Preljocaj. Mais comme disait Marcel Duchamp: »C’est le regardeur qui fait l’oeuvre. » À un moment donné, c’est au spectateur de faire le choix de ce qu’il veut regarder: l’esthétique de la pièce, le corps des danseurs ou l’écriture chorégraphique. C’est une question de relief et de ce sur quoi chacun choisit de faire le point, au sens photographique du terme." Déterminisme historico-artistique ou simplement heureux hasard? Toujours est-il que l’alliance entre les deux artistes fait un joli écho au fait que ces quatre concertos pour violon et orchestre sont placés en ouverture d’un recueil intitulé "La bataille entre l’harmonie et l’invention".

Présentée en première mondiale au Festival Montpellier Danse 2005, Les 4 saisons… dure une heure et demie, et l’humeur générale y est au beau fixe. Angelin Preljocaj y déploie une danse qu’il qualifie de vitale et essentielle, s’inscrivant à contre-courant total du mouvement artistique qui remet en question les fondements mêmes de la discipline. "Malgré tout le respect que j’ai pour le mouvement de la non-danse – certaines pièces de cette vague m’ont d’ailleurs bouleversé -, il faut reconnaître qu’il a jeté une chape de plomb sur la danse en général en créant une sorte de complexe. Du coup, on a l’impression que plus personne ne danse plus au sens simple, évident et naturel du terme, à savoir prendre l’espace avec son corps et essayer de l’inséminer avec son corps, de lui donner une dimension et une texture nouvelles… Dans ce contexte, une danse vitale et essentielle signifie qu’il faut oser danser. Et c’est ce que je fais. Parce que si on ne le fait pas avec Vivaldi, on ne le fera avec personne."

Du 16 au 18 novembre
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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