Notre Hamlet : Masques de vérité
Scène

Notre Hamlet : Masques de vérité

Louis Fortier dirige Notre Hamlet, un spectacle où des personnages masqués créés par huit comédiennes interprètent ceux de la pièce de Shakespeare. Vrai mensonge.

Depuis 2001, Louis Fortier revient régulièrement au Québec pour y donner des ateliers. C’est d’ailleurs au fil de ces exercices que les comédiennes de Notre Hamlet ont chacune développé un personnage masqué. Travail qui avait du reste donné lieu au laboratoire 40 heures pour une première ébauche de tragédie masquée, au Périscope, en 2004. "C’était un spectacle qui relatait la tragédie de ces femmes, rappelle le metteur en scène. Et c’est là qu’est né le concept de Robert Pantalon [son personnage], qui est avec le public et qui se donne le droit d’arrêter les comédiennes quand elles ne sont pas assez justes." Alors, il s’était toutefois aperçu qu’il leur manquait "un grand texte de la dimension du jeu masqué". C’est ainsi qu’il en est venu à Shakespeare. "C’est une écriture masquée; il y a d’intenses passions, mais aussi une extrême finesse; une panoplie de personnages extraordinaires, ancrés dans une grande vérité, et des histoires intéressantes à entendre pour le public", fait-il remarquer, avant de poursuivre au sujet de la pièce: "Et il y a le jeu, l’idée de se transformer, lorsque Hamlet dit à Horacio: "On va prétendre que je suis fou, comme ça, on va trouver un peu plus de vérité." Donc, l’idée de dévoiler la vérité par le jeu." De là, ils ont imaginé que les personnages se retrouvaient par hasard à Québec. "Au lieu de prendre des cours de danse ou de couture, elles se sont dit: "Tiens, je vais faire du théâtre; ça va me permettre d’apprendre à mieux parler français et d’exprimer des choses que je ne pourrais pas exprimer autrement", raconte-t-il. Parce qu’il y en a qui viennent de très loin, d’Afghanistan, d’Algérie… Une est d’Hochelaga, une autre de Saint-Sauveur… Et elles portent toutes une brisure en elles. Donc, elles ont demandé à l’animateur de l’atelier de monter une tragédie."

Quant à sa mise en scène, il la résume ainsi: "C’est d’abord et avant tout les comédiennes; les comédiennes et la très belle musique créée par Louis Sédillot. Le dépouillement est total. Parce que, de toute façon, ces femmes n’ont pas de budget. Les costumes, c’est elles-mêmes qui les font. Pour les épées, par exemple, elles ont pris des petites billes de plastique mauves et se sont dit: "Tiens, je vais en mettre là, ça va faire beau." Donc, il y a un côté très artisanal. Et j’ai voulu garder ça dans la mise en scène pour vraiment focaliser sur le jeu des comédiennes, aller avec elles vers plus de justesse, plus de beauté, et rendre le spectateur complice de ça. J’avais envie d’essayer de faire voir aux gens ce qu’est notre travail, c’est-à-dire d’essayer, de se tromper… D’un soir à l’autre, le spectacle ne sera jamais pareil. Même la régie entre dans ce jeu-là." N’empêche qu’il est conscient des écueils d’une telle entreprise. "Parce que ce sont des créatures, ces personnages masqués, observe-t-il. Alors arriver à faire une scène finale où tout le monde meurt sauf Horatio sans que les gens rient, c’est un défi pour nous. Car ça peut être très risible, très grotesque, tout ça. Voir ces gros corps pleins de coussins qui tombent, avec des épées en carton…" Cela dit, il semble tout à fait prêt à jouer d’audace afin de progresser dans la voie qu’il s’est tracée: "aller très loin dans un théâtre non réaliste, mais en gardant la plus grande vérité qui soit".

Du 21 au 25 novembre
Au Théâtre Premier Acte
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