Charles Baudelaire : Voyage au bout de la vie
La poésie de Charles Baudelaire est rarement portée à la scène à travers la danse, le théâtre ou la musique. Voilà ce que nous proposent Emily Honegger et Les Productions Geste avec le spectacle Le Voyage.
L’idée de lier poésie classique, théâtre, danse et musique en un spectacle solo vient d’Yves Capuano, l’homme derrière Les Productions Geste. C’est lui-même qui a contacté la danseuse contemporaine Emily Honegger pour qu’elle se joigne au projet en tant que danseuse, chorégraphe, comédienne, chanteuse et metteure en scène.
Première étape: trouver le texte sur lequel travailler. Amoureuse des voyages, la jeune femme de 23 ans a craqué pour Le Voyage, long poème mythique de Baudelaire, qui sert de conclusion aux Fleurs du Mal. "Ce poème m’inspirait beaucoup, car il parle de l’essence de l’être humain. L’oeuvre compare le voyage qu’on fait dans les autres pays à celui que constitue notre propre vie. La vie est un voyage en soi et peu importe où l’on se trouve, on reste toujours pris avec soi-même", raconte Honegger qui, dans ce spectacle, dicte le poème dans la peau d’un personnage. "De l’enfance à la mort, on suit la trajectoire d’une jeune fille qui a le goût d’explorer. Au début, elle est pleine d’espoir, mais elle réalise peu à peu que le monde est décevant, qu’il est plus petit qu’elle pensait", souligne-t-elle.
Pour illustrer les sentiments que le texte exprime, Emily Honegger a intégré des styles de danse différents pour chaque univers qu’interpellent les mots de Baudelaire (l’enfance, l’espoir, la sensualité, la violence, la déception ou la mort). Au cours du spectacle, danse contemporaine, danse improvisée et arts martiaux – que l’interprète a appris lors d’un voyage en Inde – s’entremêlent.
TABLEAU ÉMOTIF
Pour étudier les motivations du personnage et l’aider à mettre des gestes sur les vers, Emily Honegger a également eu recours à une coach de théâtre. "J’ai appris comment me déplacer pour exprimer des intentions et non seulement pour mettre l’ensemble en mouvement", explique-t-elle. Dans la construction de sa chorégraphie, la danseuse s’est laissé imprégner par le texte: "Je partais d’une émotion que le poème faisait naître en moi et j’attendais de voir comment cela se traduisait dans mon corps. Ça évoquait souvent des images." Elle a donc eu l’idée de mettre sur scène un lit et un drap, qui se métamorphosent respectivement en bateau et en voile. "Les objets se transforment selon l’univers que je veux créer", dit celle qui planche sur ce projet multidisciplinaire depuis avril dernier.
Pendant plus de quatre mois, Yves Capuano et sa protégée se sont rencontrés plusieurs fois par semaine pour décortiquer le poème et définir la ligne directrice. Au cours des répétitions, lui jouait du clavier et elle dansait, laissant libre cours à son imagination. "Peu à peu, j’ai trouvé ma structure chorégraphique et théâtrale et les autres musiciens se sont joints à nous", soutient la jeune femme. Sur scène, Emily Honegger sera donc accompagnée de trois musiciens – Yves Capuano au clavier, Michel Grenier à la batterie et au tabla et Pierre Laverdure à la guitare basse – qui improviseront chaque soir, respectant toutefois un canevas préétabli. "Je me laisse inspirer par ces changements de notes ou de rythmes. Ces musiciens improvisent ensemble depuis longtemps. C’est comme cela qu’ils sont à l’aise de jouer."
Selon Emily Honegger, Le Voyage unit danse, musique, théâtre et poésie sans qu’un seul art prédomine. La structure même du spectacle a pris forme dans le joyeux mélange de ces modes d’expression. "Quand je joue et je parle, je n’arrête pas de danser. Mes gestes corporels sont une extension de la danse. Tout se confond pour former un genre de tableau émotif qui nous aide à réfléchir plus profondément sur le sens du poème", confie-t-elle.
Les 24 et 25 novembre
Au Studio Hydro-Québec du Monument-National
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