D'une trop bruyante solitude : Le poids de la presse
Scène

D’une trop bruyante solitude : Le poids de la presse

D’une trop bruyante solitude, on retient la remarquable interprétation de Claude Lemieux ainsi que la lecture intelligente et respectueuse du célèbre roman de Hrabal.

Le personnage de Hanta fait partie des plus mémorables héros ou antihéros de la littérature d’Europe de l’Est. C’est qu’à travers son regard et son évolution, non seulement se laisse-t-on imprégner par le climat qui règne en Tchécoslovaquie depuis l’invasion russe de 1968, mais on arrive à lire une réflexion sur le rôle et le sens de l’art, sur ses limites ou son pouvoir générateur de pensée.

Le style de Hrabal, baroque et lyrique, se prête aisément au théâtre; d’ailleurs, le personnage de Hanta, inspiré d’un véritable presseur de papier qu’a croisé l’auteur, est des plus théâtral. Aussi, l’adaptation de Téo Spychalski, qui signe la mise en scène, est très fidèle au roman tout en témoignant, sinon d’une signature, du moins d’un regard personnel et aiguisé sur l’oeuvre tchèque. Si tous les ingrédients y figurent (l’humour, l’autodérision, les envolées littéraires ou philosophiques, de même que, en filigrane, une critique sociale et politique), la lecture que Claude Lemieux et Spychalski font du roman est pour le moins fascinante car, délaissant quelques passages humoristiques savoureux (notamment les anecdotes scatologiques), ils cernent en revanche avec justesse les aspects touchants du texte (tel le discours amoureux sur la petite tsigane) qu’une lecture politique ou humoristique du roman pourrait malheureusement évacuer.

À part quelques apparitions pratiquement superflues de deux personnages de gitanes, Claude Lemieux porte seul la pièce. Son jeu, qui évite tout cabotinage possible lors des passages humoristiques, conserve la juste dose de retenue pour les grandes envolées lyriques. Son interprétation, appuyée par la mise en scène très rythmée, nous tient toujours dans un état de réceptivité. De subtils jeux d’éclairages ainsi que beaucoup de mouvements, de déplacements, maintiennent le dynamisme du monologue. Si parfois les cent pas du personnage peuvent déconcentrer, le texte, lui, coule parfaitement. La manière d’aborder les sentiments amoureux comme ceux de la perte est très touchante et l’issue de la pièce, grâce à la retenue de Lemieux, atteint sa cible avec doigté: une véritable ascension dans la chute.

Jusqu’au 2 décembre
Au Théâtre Prospero
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