L'Éblouissement du chevreuil : Bête égarée
Scène

L’Éblouissement du chevreuil : Bête égarée

L’Éblouissement du chevreuil propose une suite de tableaux dont la juxtaposition manque sérieusement de fil conducteur.

À quoi faut-il attribuer la nature éminemment fragmentaire de L’Éblouissement du chevreuil? La pièce d’Evelyne de la Chenelière, créée par Jean-Guy Legault entre les murs de la Salle Jean-Claude Germain, trouve son origine dans le cadre d’un exercice scolaire. Ceci explique-t-il cela? Chose certaine, l’impression d’inachèvement subsiste. Le spectateur reste sur sa faim, espère en vain que l’agitation des quatre protagonistes finisse par rimer à quelque chose.

Convenablement campé par Justin Laramée, Joe est un homme manifestement miné par une profonde incompréhension du monde. Pour un psychanalyste, le spécimen constituerait un véritable fantasme. Vertement courtisé par la folie, le "héros" se prend pour une femme, un enfant de huit ans et un journaliste, tout ça à la fois, dans l’ordre et dans le désordre. Confondant la réalité et la fiction, le vrai et le faux, la vie et le cinéma, l’objet réel et son reflet dans la glace ou sur l’écran, le personnage erre comme une âme en peine. Sur la scène, il déverse sa déraison, des divagations qui n’ont malheureusement rien de spectaculaire. À ses côtés, Marie-Laurence Moreau, dotée d’une belle voix rauque, incarne avec justesse tous les archétypes de la femme. Avec bien peu de matière à défendre, Delphine Bienvenu démontre tout de même beaucoup d’aisance dans la peau de Joséphine, double féminin de Joe. Dans le cas de Sébastien Huberdeau, la situation atteint des proportions insensées: le pauvre n’a pour ainsi dire rien à jouer. Même la légendaire imagination de Jean-Guy Legault, qu’on sent poindre ici et là, ne suffit pas à mettre du piquant dans cette représentation monocorde.

Evelyne de la Chenelière ne s’éloigne pas des sentiers qu’elle a jusqu’ici, le plus souvent avec bonheur, empruntés. Comme Des fraises en janvier, Henri et Margaux ou Désordre public, L’Éblouissement du chevreuil questionne les inépuisables relations qui unissent hommes et femmes. Or, il n’y a pas ici la justesse d’observation et surtout l’émotion qu’il y avait ailleurs. On ne ressent jamais pour ce Joe, voilà bien où le bât blesse, quelque chose qui ressemblerait à de l’empathie.

Jusqu’au 25 novembre
À la Salle Jean-Claude Germain du Théâtre d’Aujourd’hui
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