Marie Brassard : Dans la gueule du loup
Scène

Marie Brassard : Dans la gueule du loup

Marie Brassard est de retour avec un troisième solo poético-technologique où s’entrechoquent et s’amalgament des contes parallèles. Rencontre.

Après Jimmy, créature de rêve et La Noirceur, Marie Brassard se trouve de nouveau seule sur scène avec sa création Peepshow, qui s’intéresse à la théorie physique quantique des mondes parallèles, ces réalités invisibles qui divisent les individus. Et c’est en approfondissant son exploration de modulation électronique de la voix qu’elle y multiplie les personnages…

Affublée d’une chevelure blonde et d’un manteau rouge criard, Marie Brassard apparaît d’abord sur scène tel un chaperon rouge moderne, charnel. "Ce conte moraliste prévient les petites filles du danger de se hasarder vers des chemins méconnus ou de parler à des étrangers… Et je fais un peu un hommage à la curiosité, à la volonté d’être aventurier, à l’instinct de l’homme de toujours vouloir risquer", commence une Marie Brassard posée au bout du fil.

À la fillette mythique suivra donc une galerie de personnages jeunes et moins jeunes: hommes, femmes, aux orientations sexuelles différentes et aux fantasmes distincts… "On retrouve des personnes à différents âges à travers leur quête, leur volonté de rencontrer, de bouleverser le quotidien. Il y en a qui sont sages, il y en a qui sont plus extrêmes."

Et si la solitude est un des thèmes centraux de la pièce, celui des relations interpersonnelles idéalisées l’est d’autant plus. "Je parle de cette difficulté à communiquer, de la solitude inhérente à tous les êtres humains. De ce constat que l’on peut faire avec le temps ou lorsqu’on vieillit que les relations qui durent sont extrêmement rares et qu’on ne peut s’empêcher de les provoquer", avise la comédienne.

Et c’est donc dans la métaphore poétique de l’existence d’un monde périphérique que les personnages s’entrechoquent. "On a l’impression, les êtres humains, que l’on marche dans des corridors parallèles les uns aux autres, que parfois on a des contacts, mais que fondamentalement, on est seuls. C’est ce qui fait la beauté des rencontres qui sont fortes parce qu’elles nous rassurent."

Et contrairement à d’autres acteurs qui trouvent l’origine de leurs personnages dans un costume, une posture ou une démarche, Marie Brassard en trouve l’essence dans la voix. "C’est à partir des voix que je construis les personnages, et le fait qu’elles soient amplifiées me permet des tons beaucoup plus subtils. Je peux chuchoter dans l’oreille des gens d’une manière très directe et intime", atteste la créatrice qui s’accompagne de nouveau du musicien et concepteur sonore de La Noirceur, Alexander MacSween. "On a entendu avant de voir, et, un peu comme les odeurs, le son est lié à nos sens d’une manière très profonde", rappelle-t-elle pour expliquer l’intimité extrême du spectacle.

"Pour moi, le travail que je fais sur la voix, je le fais sur le corps. Je me suis rendu compte que si l’idée est claire dans l’esprit, le corps s’organise. C’est un choix pour moi de ne pas avoir de costume parce que je veux que le changement vienne de l’intérieur; peu importe comment le personnage est habillé, on le voit quand même."

Marie Brassard poursuit aussi son exploration du rythme du texte qui suit la cadence de la pensée: "Je fais beaucoup de mon écriture à partir de l’improvisation. Le ton est très instinctuel et naturel. Dans Peepshow, les scènes sont très différentes les unes des autres dans le rythme. J’aime aussi considérer la pièce comme une pièce musicale."

Le spectacle au titre suggestif évoque aussi ce lieu, où les gens sont conviés à regarder discrètement, comme par le trou d’une serrure: "C’est un endroit où les gens paient pour avoir le privilège ou la permission de regarder quelque chose d’interdit. Je trouvais belle l’image de plusieurs personnes dans un même peep show qui ne se voient pas, qui croient qu’elles sont seules, mais qui font partie de la même chose. Et puis, peep veut dire un regard furtif, avoir accès à quelque chose pendant un court moment. Et dans cette pièce, c’est comme si le spectateur avait accès à des petits extraits d’histoires de plusieurs personnes, pour un bref moment", conclut-elle avec mystère.

Du 29 novembre au 2 décembre à 20h
Au Studio du CNA
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