Blue Heart : Palpitations cardiaques
Avec Blue Heart, Martine Beaulne propose un diptyque théâtral inégal où le spectateur se perd en cours de route.
La metteure en scène Martine Beaulne explore à nouveau l’univers de Caryl Churchill avec Blue Heart, deux courtes pièces où l’auteure britannique s’applique à étudier le mal-être contemporain en court-circuitant le temps et le langage.
Dans la première pièce, Désir du coeur, conçue à la manière d’une séquence vidéo qu’on rembobinerait sans cesse, l’action se répète en version avance rapide ou au ralenti, intégrant chaque fois de nouveaux éléments, des digressions, des détails différents, explorant avec méthode l’éventail des possibles où les acteurs répètent, le temps d’un ballet étrange, les mêmes dialogues et les mêmes gestes à l’infini. Dans la deuxième pièce, Cafetière bleue, les dialogues semblent s’effriter tandis que les mots "cafetière" et "bleu" contaminent le discours des personnages, rendant peu à peu la communication impossible, réduisant la parole au stade du bégaiement.
Or, si ces deux procédés théâtraux peuvent sembler profondément intéressants explorés séparément, ils deviennent particulièrement indigestes quand on les juxtapose. On embarque facilement dans le jeu de Désir du coeur, un huis clos familial oppressant sans cesse recommencé, où toute intrusion du monde extérieur devient une catastrophe. Les acteurs, Guy Nadon en tête, offrent une formidable performance et nous guident dans les méandres du cerveau de Brian, un père attendant désespérément le retour de sa fille. Mais dès le début de Cafetière bleue, le spectateur commence à perdre pied, peinant à comprendre l’objet de cette intrigue racontant les aventures de Derek (Gabriel Sabourin), un jeune homme sans scrupules tentant de faire croire à cinq femmes différentes qu’il est le fils biologique qu’elles ont jadis placé en adoption. En effet, si les deux pièces offrent des pistes de réflexion communes autour des thèmes du mensonge, de l’absence de communication dans les familles, de la dénaturation des liens de filiation, des psychoses individuelles et collectives et de la quête d’identité, elles obéissent à des codes totalement différents. Et même si on admire le formidable travail des acteurs autour de ce texte au rythme et au phrasé presque musicaux, on ne parvient pas à se détacher de l’impression d’assister à une sorte d’exercice de style.
Peut-être aurait-il fallu laisser le public se remettre des émotions et du rythme intense de Désir du coeur le temps d’un entracte avant d’entrer dans l’univers ardu de déconstruction du langage de Cafetière bleue.
Jusqu’au 16 décembre
Au Théâtre Espace GO
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