Marc-André Dowd : Dialogues à l'italienne
Scène

Marc-André Dowd : Dialogues à l’italienne

Marc-André Dowd signale avoir un faible pour les histoires de famille. Ainsi, il monte Mambo Italiano comme deuxième pièce de la saison du Théâtre des gens de la place. Entretien avec le metteur en scène et le comédien Michael Butler.

Attrapé au vol un jeudi matin, Marc-André Dowd avoue être content de parler d’autre chose que d’accommodements raisonnables. Car l’homme, qui est aussi président par intérim de la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, jongle ces temps-ci avec les dossiers épineux de l’exploitation des personnes âgées en hébergement et du profilage racial. Les questions à propos de Mambo Italiano, pièce contemporaine de Steve Gallucio (traduite par Michel Tremblay) qu’il présente à la salle Anaïs-Allard-Rousseau avec le Théâtre des gens de la place (TGP) pour les deux prochaines semaines, ont donc le goût du chocolat à travers ce bouillon médiatique.

Mambo Italiano relate l’histoire d’Angelo (Michael Butler), un auteur québécois d’origine italienne dans la trentaine, qui, partageant sa vie depuis un an avec Nino (François Désaulniers), un comptable aussi d’origine italienne, décide de faire son coming out. Cette annonce engendre cependant une série de réactions, tantôt drôles, tantôt troublantes, chez la famille des deux hommes.

LA FORCE DE LA FAMILLE

"Ça fait longtemps que je voulais monter ce texte-là!" lance d’entrée de jeu Dowd. "Je trouve que les textes qui sont capables de nous faire passer, d’une scène à l’autre, du rire aux larmes et à l’émotion pure sont rares. Quand on réussit à trouver un texte comme ça, il faut le monter. Quand j’ai vu cette pièce-là, je me souviens être parti à rire d’un rire franc parce qu’il y a des scènes très, très comiques. Et je me rendais compte, à peu près une minute plus tard, que j’avais un "motton" dans la gorge parce qu’on était dans quelque chose de plus dramatique. C’est vraiment une comédie dramatique. On passe par toute la gamme des sentiments, et c’est ça que je voulais explorer." L’authenticité des personnages et la thématique de la pièce, "le coming out d’un fils qui apprend à ses parents qu’il est homosexuel et leurs réactions dans le contexte d’une communauté culturelle plutôt conservatrice", sont également d’autres points qui l’ont charmé.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Marc-André Dowd étudie les liens complexes qui unissent les membres d’une famille. Le printemps dernier, toujours avec le TGP, il avait monté Un air de famille, qui s’articulait autour d’un souper hebdomadaire qui avait quelque peu dérapé. "En partant, j’aime beaucoup les histoires de famille, explique-t-il. Je dirais, par contre, que la différence entre Un air de famille et Mambo Italiano, c’est que dans Un air de famille, il y avait un humour qui était plutôt noir. Il y a chez certains personnages beaucoup de non-dit et de méchanceté. Dans Un air de famille, il y avait un fond de tendresse, mais il y avait beaucoup de rires jaunes et de sous-entendus. Dans Mambo Italiano, tout est beaucoup plus ouvert. Il n’y a pas de méchanceté dans ce texte-là. Par exemple, les parents d’Angelo ont régulièrement des engueulades homériques dans la pièce. Ils se mettent à se crier après et, la scène suivante, ils se prennent dans leurs bras; tout est oublié, ils s’aiment. Les sentiments sont plus exacerbés, mais ils sont plus positifs. Je vois beaucoup de tendresse. Et ce qui est magnifique dans Mambo Italiano, c’est de voir l’évolution des parents d’Angelo (Patrick Lacombe et Rollande Lambert), qui, au début, sont absolument catastrophés d’apprendre que leur fils est gay pour finalement l’accepter et être prêts à le dire publiquement."

UN HOMME À LA MER

Michael Butler, qui avait fait partie de la distribution d’Un air de famille, incarne justement le personnage d’Angelo. Comment a-t-il trouvé le défi? "Le défi, c’est de rendre autant le côté fragile – parce que c’est un être qui a été fragilisé pendant son adolescence et dans son acceptation. Quand tu annonces à ta famille que tu es gay, il y a un grand pas de fait ou que tu veux faire, mais en même temps, bien qu’il ait l’air fonceur et décidé, c’est un grand saut dans le vide pour lui. Ça vient fragiliser son avenir dans sa famille et sa relation de couple", admet-il.

LE FILM…

Mambo Italiano a été porté à l’écran par Émile Gaudreault en 2003. Ginette Reno et Sophie Lorain y tenaient entre autres la vedette. Dowd s’en est-il inspiré au moment de créer sa mise en scène? À la question, il répond qu’il a préféré ne pas revoir le film – qu’il avait peu apprécié: "Le film a gardé le côté plus comique et a gommé le dramatique par rapport au texte de théâtre, je trouve. Dans le texte de théâtre, il y a des monologues, par exemple, qu’on ne retrouve pas dans le film. Et les monologues sont beaucoup des moments d’introspection et pour expliquer les sentiments." Butler complète: "Il a évacué le côté plus profond de c’est quoi les émotions et de ce que ça veut dire pour quelqu’un sortir de la garde-robe face à ses parents, dans une famille plus conservatrice et qui a des idéaux pour ses enfants. Le film, quant à moi, est beaucoup plus léger. La pièce va plus loin dans ce que ça représente aussi d’avoir été un jeune homme gay identifié au secondaire et d’avoir vécu le rejet et l’humiliation pendant toutes ces années-là."

Du jeudi au samedi
Du 30 novembre au 9 décembre à 20h
À la salle Anaïs-Allard-Rousseau
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