Russell Maliphant : Sculpter le vent
Russell Maliphant avait décroché le prix du public du FIND 2001 avec une seule représentation. Danse Danse nous le ramène pour trois soirs avec un programme triple.
Né à Ottawa et élevé en Angleterre, Russell Maliphant fait partie de l’avant-garde artistique britannique au sens où il multiplie les regards sur le mouvement et explore de nouvelles façons de concevoir la danse. Les liens étroits qu’il a tissés entre le mouvement et la lumière sont une des spécificités qui ont bâti sa réputation. On comprend donc pourquoi le concepteur d’éclairages Michael Hulls, avec qui il travaille depuis 12 ans, est codirecteur de la Russell Maliphant Company. "Le travail avec la lumière change ma façon de concevoir le mouvement, explique le chorégraphe depuis Londres. Si j’éclaire par l’arrière, ça va souligner les épaules, la peau sur les bras. Si je fais autre chose, je vais mettre en valeur les hanches et les jambes… L’intensité de la lumière change la texture du mouvement et même quelque chose dans l’intention du mouvement et dans son expression."
Littéralement sculptés par les éclairages, les corps sculptent l’espace en retour. Et la magie opère. Les critiques et les publics d’ici et d’ailleurs s’entendent pour le dire. Elle est le résultat d’une subtile alchimie sensorielle: la lumière bouleverse nos perceptions visuelles en ouvrant des perspectives inattendues, la musique installe des ambiances dans nos corps en passant par l’ouïe, mais le liant de l’oeuvre, c’est la fluidité et l’énergie qui caractérisent la danse de Russell Maliphant.
Puisant aux sources du multiculturalisme, l’ex-collaborateur du DV8 Physical Theater s’inspire aussi bien de la capoeira que du tai-chi, du yoga et du contact-improvisation. Également praticien de Rolfing, une technique de réalignement postural, il s’intéresse à la façon dont les thérapies corporelles analysent le mouvement. "Torsions, contorsions, spirales, transferts… La façon de décrire le corps et son utilisation en Rolfing devient un langage chorégraphique, déclare Russell Maliphant. Dans mon travail, il y a aussi des choses qui s’apparentent au Body Mind Centering dans le fait de chercher une certaine qualité dans des mouvements comme pousser ou rebondir, qui dépendent de réflexes naturels du corps."
Cette conscience anatomique signifie-t-elle que les danseurs de la Russell Maliphant Company se blessent moins facilement que d’autres? "J’espère, s’exclame en riant l’homme de 45 ans. En fait, on est très attentif à la façon d’utiliser le corps. Quand je crée, il m’arrive de vouloir le pousser pour des raisons esthétiques et de penser que ça n’est pas très bénéfique pour la structure. Je cherche alors une façon d’exécuter le mouvement qui ne détériore pas le corps."
Des trois pièces au programme, le solo One Part II nous donne la chance d’apprécier sur une mélodie de Bach la virtuosité du danseur qu’est avant tout Russell Maliphant. Le duo Push, dont la gestuelle a fortement été influencée par la musique d’Andy Cowton, se déploie quant à lui entre tensions et sensualité. Enfin, le quintette féminin de Transmission, créé en 2005 avec le compositeur Múkúl, permet de goûter pleinement aux transferts et aux étirements extrêmes propres à la gestuelle du Britannique. Un évènement très attendu.
Du 7 au 9 décembre
À la Salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
À voir si vous aimez
Les peintres Jackson Pollock et Francis Bacon (étrange coïncidence avec Normand Marcy!)
Les oeuvres de Robert Lepage
Le danseur et chorégraphe Saburo Teshigawara