Les Sages Fous : 2006 en profondeur
Les Sages Fous ont marqué de manière fantaisiste la dernière année. Grands gagnants du prix Création en arts de la scène au gala Arts Excellence, ils ont entre autres ficelé plus serré leur Micro-festival de marionnettes en chantier et trimbalé Bizzarium, leur aquarium de rue, dans les ondes européennes pendant cinq mois. Plongeon dans leurs beaux moments de 2006.
De retour dans leur atelier de Trois-Rivières depuis bientôt deux mois, Les Sages Fous portent encore en eux les traces d’un long séjour en Europe. Là, avec Bizzarium, leur nouveau spectacle qui consiste en une trépidante expédition sous-marine, les marionnettistes ont participé aux plus importants festivals de théâtre de rue, ont navigué sur les plus belles mers imaginaires, ont découvert les créatures aquatiques les plus étranges. Ainsi, lorsqu’ils ferment les yeux, des tonnes d’images s’animent derrière leurs paupières. Mais il y a aussi des bruits, des odeurs et même des paroles qui leur reviennent en mémoire. Comment oublier la voix d’une petite fille qui demande: "Comment faites-vous pour que ça sente la mer?"
"C’était drôle. Elle était là avec son père, qui était entré dans l’ambiance du spectacle et qui avait des larmes aux yeux. Elle a senti la mer, ça a l’air, et son père aussi. Jacob (Brindamour) avait une réponse moins poétique, mais il ne lui a pas dit. Nous, on a dit que c’était parce qu’on ne lavait pas nos costumes!" rigole South Miller, assise confortablement dans un fauteuil. "Mais, ce n’est pas vrai. On les lave…" rétorque Jacob Brindamour alors qu’il dépose un plateau chargé de trois cafés sur un petit cube de bois.
MERS ET MONDES
Cette phrase enfantine n’est pas l’unique perle de leur voyage. Les Sages Fous se rappellent d’un spectacle en salle qui s’est terminé dans les rues du centre-ville de Zagreb (Croatie), d’une représentation au pied de la plus importante cathédrale de Delft (Pays-Bas), d’une mer de spectateurs en Autriche. Mais un lieu les a particulièrement marqués: la Roumanie. "Moi, j’avais très hâte d’aller en Roumanie. Je fantasme sur la Roumanie depuis que je suis petit. On s’attendait aux Balkans, avec la trompette à quatre heures du matin, à la désorganisation totale, aux gitans, aux tziganes… Et, on n’a pas été déçus. C’était pire que ce que l’on pensait!" s’exclame le marionnettiste. Du coup, sa compagne illustre ses propos: "On conduisait sur l’autoroute qui nous menait à Sibiu en Roumanie; toutes les routes transversales étaient en terre. Et on voyait les hommes faucher à la main dans les champs. Ils avaient tous des charrettes. C’était tellement beau…"
L’AQUARIUM
Bizzarium, élaboré en 2005, succède au spectacle Parade Issimo – les fameuses autruches sauvages! -, qui avait connu un succès monstre. À la veille de la tournée européenne, Les Sages Fous étaient donc un peu stressés. "Finalement, le spectacle a une belle réponse en Europe", souligne la jeune femme. "On a encore eu de belles invitations pour l’année prochaine. Ça va vraiment bien." Mais comparativement à Parade Issimo? "Quand on était dans un festival où on avait déjà joué, on se rendait compte qu’il y avait du monde qui s’était déplacé de loin pour venir nous voir; il se souvenait de Parade Issimo et attendait la nouvelle production", répond South Miller. Jacob Brindamour ajoute: "On s’est rendu compte que Parade Issimo avait eu un impact beaucoup plus grand qu’on pensait. Tu sais, nous, on arrive, on joue deux jours et on s’en va. Et même, souvent, on n’a pas le temps de regarder les journaux, la critique; on est déjà rendus à un autre festival. Nous, on s’en souvient, mais les spectateurs s’en souviennent beaucoup aussi. […] Et Bizarrium a été encore mieux reçu que Parade Issimo." D’ailleurs, la Ville de Delft leur aurait offert de déménager chez elle en leur promettant un lieu de création. "C’est une confiance donnée à notre démarche artistique, à notre démarche de création. Ça veut dire: nous, on cautionne ce que vous faites et on veut aider au développement de vos projets, au-delà de programmer votre spectacle", admet-il.
LE FUTUR DE LA MARIONNETTE
Ces petites victoires font réaliser aux membres de la troupe de Trois-Rivières qu’un avenir existe bel et bien pour la marionnette. "Nous, on n’aurait jamais pensé que la marionnette était dans le vent. Nous, ce sont des passions d’enfant qui ont collé. On a tous les trois – avec Sylvain Longpré, le troisième marionnettiste – joué avec des marionnettes quand nous étions enfants. Quand on a commencé à faire ça, c’était pas mal plus envers et contre tous que suivre la vague. Et là, on se rend compte que dans l’avant-garde culturelle européenne, la marionnette a une place super importante." "La marionnette, c’est l’avenir!" glisse doucement Miller. Brindamour renchérit: "Quand on y réfléchit, ça a de l’allure que ça soit comme ça. On a besoin de cet anti-virtuel, de cette tangibilité. C’est du réel. Tout le processus imaginaire est dans l’oeil de celui qui regarde. Donc, c’est très actif. Au lieu que ça soit du virtuel qui travaille pour toi, c’est du réel et c’est toi qui travaille. Je pense que c’est une nécessité dans nos temps modernes, où on ne peut pas toucher les affaires."