Coma Unplugged : Karma coma
Scène

Coma Unplugged : Karma coma

Avec Coma Unplugged, le Théâtre de la Manufacture et l’auteur Pierre-Michel Tremblay nous offrent une pièce comique sur fond de questionnements existentiels.

"J’aime prendre des sujets graves et en faire des comédies", raconte Pierre-Michel Tremblay, qui a également signé des pièces pour Les Éternels Pigistes (Quelques humains, Le Rire de la mer, Mille feuilles), en plus d’être professeur à l’École nationale de l’humour, cofondateur du Groupe Sanguin et d’écrire des textes pour plusieurs émissions de télévision et humoristes bien connus du grand public.

Coma Unplugged raconte l’histoire de Daniel, un chroniqueur d’humeur au "Journal", qui se retrouve dans le coma à la suite d’un accident et qui profite de cet état de grâce pour faire un bilan de son existence. "Dans son coma, il est confronté à son ex-blonde (Marie-Hélène Thibault), à sa mère (Louise Laparé), à un ami d’enfance (Benoît Gouin), et tous ces gens vont essayer de le faire réfléchir sur son parcours de vie", souligne Tremblay. C’est à la lumière de toutes les discussions que Daniel entretient avec les personnes qui peuplent son quotidien qu’il prendra la décision de revenir ou non à la vie.

ONIRISME COMATEUX

Évidemment, cette situation n’a rien de réaliste. On ne parle pas ici de coma médical, mais bien du coma comme "procédé narratif qui permet d’explorer un non-lieu et où tout peut se passer", tient à préciser l’auteur. Le spectateur se retrouve donc plongé dans un rêve, témoin d’un coma, des doutes, des questionnements et des rencontres fabulées d’un homme qui se débat pour trouver son identité propre. "Daniel est dans une crise existentielle. Il arrive à un moment de sa vie où tout dérape, où il perd le contrôle des choses. Et il est pris avec une espèce de cynisme, de côté noir qui l’habite et qu’il doit accepter, même si cela détruit beaucoup de choses autour de lui", raconte le comédien Steve Laplante, qui interprète le personnage principal.

Cette ironie omniprésente chez Daniel – et chez quelques-uns des personnages qui évoluent dans les pièces de Pierre-Michel Tremblay – est-elle la manifestation d’une carapace que ce dernier endosse pour se protéger d’une époque individualiste, où tout tourne trop vite et où les mots et les sentiments n’ont plus leur place? À cette question, l’auteur acquiesce, tout en nuançant: "Ma pièce n’est pas une critique, mais elle renferme le désir d’une prise de parole. J’aime le théâtre contemporain qui s’adresse aux contemporains. Lorsque j’écris, mon premier réflexe n’est pas de dénoncer puisque, dans ces cas-là, la tentation moralisatrice n’est jamais trop loin et que je n’aime pas le théâtre sentencieux. Mes motivations sont plutôt d’explorer des thématiques et des questionnements. Mon ton, c’est le cynisme tendre!"

Selon l’auteur et l’acteur, le cynisme qui habite Daniel amplifie la dimension ludique de la Coma Unplugged, qu’ils qualifient de comédie dramatique. "Le côté comique se retrouve beaucoup dans la personnalité de Daniel, du fait qu’il s’autocritique et s’autoflagelle toujours. Et il ne se gêne pas pour dire ce qu’il pense", affirme Steve Laplante, qui incarne pour la première fois un homme mature (fin trentaine). "C’est quelqu’un qui est lucide et qui dit son opinion sur plein de choses. J’ai surtout joué des gars dans la vingtaine et c’est l’fun d’explorer autre chose."

STAND-UP FOR YOUR RIGHTS

Le projet de Pierre-Michel Tremblay a débuté en 2003, dans le cadre d’une résidence d’auteur à La Licorne. "J’avais envie d’explorer l’intimité chez un homme. J’avais envie de faire parler un homme et d’exprimer une identité masculine autre que celle qui fait partie du discours qu’on entend souvent et que je trouve très réducteur: celui dans lequel la virilité se résume aux sports et aux gros chars", dénote-t-il. Puis, l’histoire a trouvé sa raison d’être et les personnages se sont imposés d’eux-mêmes. "À un moment donné, tu sens que ton histoire a une existence propre. Ma job, c’est d’être à l’écoute d’où ça veut aller. Dans une pièce, il y a autre chose que la motivation première de l’auteur", soutient Tremblay. La question fondamentale que le personnage se pose est donc: suis-je en train de gâcher ma vie? Il se retrouve déchiré entre ce qu’il est et ce qu’il aurait voulu être: un stand-up comic.

Cette aspiration déçue du personnage, Denis Bernard – qui troque ici son chapeau de comédien contre celui de metteur en scène – en a fait le pivot central de sa mise en scène. Le coma de Daniel adopte donc la forme d’un cabaret comique d’humeur et d’humour et devient projection de ses désirs enfouis. Ainsi, des musiciens prennent part au spectacle, aux côtés de comédiens qui manient le micro! "Denis est allé vers cela parce qu’il y a une prise de parole directe dans ce texte et il trouvait que le cabaret servait bien cette idée. Alors, je deviens un peu le maître de cérémonie de mon propre coma!" s’exclame Laplante.

Du 9 janvier au 17 février
Au Théâtre La Licorne
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