Didier Lucien et Guillermina Kerwin : Pulsions créatrices
Scène

Didier Lucien et Guillermina Kerwin : Pulsions créatrices

Didier Lucien et Guillermina Kerwin sont à la barre d’Amour, cul et violence, la plus récente création du NTE.

Est-ce que l’amour nous mène au cul? Est-ce que le cul nous mène à la violence? S’agirait-il d’une chaîne aux maillons indissociables? Ce n’est pas d’hier que Didier Lucien et Guillermina Kerwin glosent sur les relations, aussi nombreuses que complexes, entre le sentiment amoureux, le sexe et la violence. Mais cette fois, ils ont décidé d’en faire l’objet d’un spectacle, leur première véritable création en tandem: Amour, cul et violence. "Ce sont trois ingrédients difficiles à séparer, explique Guillermina Kerwin. On a essayé de jouer avec eux, de les imaginer ensemble, séparés, dans toutes leurs interactions."

Où écrire et mettre en scène un spectacle abordant des questions aussi délicates si ce n’est dans l’enceinte du Nouveau Théâtre Expérimental? Il semble que les créateurs aient profité de toute la liberté qu’on leur accordait: "J’avais envie d’un spectacle qui fonctionnerait comme une symphonie, explique Didier Lucien. Une représentation qui, rythmiquement, aurait une autre courbe que celle qu’on a l’habitude de rencontrer au théâtre. On s’écarte de la forme traditionnelle, avant tout pour le plaisir de le faire." Guillermina Kerwin ajoute: "Ce que Didier et moi avons en commun, c’est notre amour pour les spectacles de musique, pour l’énergie qui s’en dégage. Dans un concert, chaque chanson est aussi intense. Bien sûr, il y a une certaine logique, mais il ne s’agit pas d’un ordre convenu. Dans Amour, cul et violence, comme dans un spectacle de musique, le spectateur est amené à vivre des impressions et non pas à suivre une histoire." De quoi combler ceux qui n’aiment pas se sentir passifs au théâtre.

CERVEAU DIRECTION

En 2004, Didier Lucien et Stéphane Crête, esprits affranchis et allumés, créaient Nicole, un spectacle qui empruntait, de la manière la plus surprenante qui soit, à la logique du rêve. Dans le cas d’Amour, cul et violence, l’action prend racine dans une autre zone de libre association: les méandres d’un cerveau malade, terrassé par un grave accident vasculaire cérébral. Guillermina Kerwin: "On essaie d’imaginer la réaction qu’on aurait lors d’un grave accident." Didier Lucien: "À quoi pense-t-on quand on sait qu’il nous reste très peu de temps à vivre? À quoi ressemble le bilan? Comment les images surviennent-elles? Désordonnées? Déformées? Comme ton cerveau est loin d’être dans son état normal, ta vision peut être délirante. Mais ces images, aussi étranges soient-elles, demeurent pertinentes, c’est juste qu’on n’est pas capable de les nommer."

Vous aurez compris que les notions de réalisme et de chronologie sont ici sérieusement remises en cause. Didier Lucien: "On s’est amusé à changer les blocs de place. On a placé le climax, le gros drame et sa résolution, au début du spectacle, histoire de voir ce qui peut se passer après." Sa complice précise: "Au lieu d’aller dans la catharsis à la fin, on le fait au début et ensuite on décolle." Il faut donc s’attendre à une expédition échevelée dans les sombres couloirs de l’inconscient, avec son lot de rencontres fortuites et de désirs inavouables, mais aussi de musique, de chorégraphies et de… défilés de mode.

Pour s’aventurer dans ce territoire bien peu balisé, les créateurs ont demandé à Valérie Le Maire, Brigitte Poupart, Frédéric Pierre et Widemir Normil de les accompagner. Vêtus et maquillés de la même façon, les acteurs incarneront les six lobes de ce cerveau, ni plus ni moins que le personnage principal de la pièce, autant de facettes d’un seul et même individu, aux prises avec les restes d’une vie d’amour, de cul et de violence.

Du 9 janvier au 3 février
À Espace Libre
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