James Hyndman : Acte de désobéissance
Scène

James Hyndman : Acte de désobéissance

James Hyndman endosse, sous la direction de Lorraine Pintal, les habits du légendaire Don Juan.

Cet été, dans le cadre du Festival de Stratford, en Ontario, Lorraine Pintal dévoilait sa relecture du Don Juan de Molière, un spectacle qui prend maintenant l’affiche du Théâtre du Nouveau Monde. Pour succéder au Canadien Colm Feore dans le rôle-titre, la metteure en scène a choisi James Hyndman. Le comédien avoue que cette proposition l’a d’abord étonné: "Ça m’effrayait un peu de me dire que le processus de réflexion autour de l’oeuvre, la recherche du sens, l’exploration dans l’espace, que tout ça allait m’échapper. Mais Lorraine m’a tout de suite assuré que nous aurions de véritables répétitions, que j’aurais du temps et de l’espace pour m’approprier le personnage. Je savais que ça allait être un peu particulier, mais je ne pouvais pas passer à côté d’un rendez-vous comme celui-là. C’est un rôle qui ne se refuse pas, un défi trop exaltant à relever."

La rencontre avec le personnage ne s’est donc pas produite de manière traditionnelle. À en croire le comédien, le spectacle s’en trouverait, d’une certaine manière, bonifié: "C’est une adaptation progressive, autant pour moi que pour les autres acteurs. C’est aussi déstabilisant pour moi de me retrouver dans des choses qui sont déjà placées que pour les autres de devoir s’adapter, changer, refaire un chemin qu’ils pensaient avoir déjà fait. En fin de compte, c’est stimulant, parce que je tire avantage du travail qui a été fait, et le reste de la distribution explore de nouvelles voies. Et puis Don Juan est une oeuvre qui supporte ça, c’est-à-dire qu’elle est très dense et complexe, il y a tellement de façons de l’interpréter. On peut sans cesse en réinterroger le sens, et ce, sans que qui que ce soit ait l’impression de faire du surplace."

IMPOSSIBLE SOUMISSION

En compagnie de Sganarelle (Benoît Brière), son valet, Don Juan mène, un peu comme Don Quichotte et Sancho Pança, ce que l’acteur appelle une croisade frénétique: "Don Juan est engagé dans une quête active et agressive d’affranchissement de toute contrainte, de tout dogme, de toute norme, pour revendiquer son libre arbitre. Cette quête prend la forme d’une recherche du plaisir, mais elle aurait pu en prendre d’autres." Le comédien va même jusqu’à qualifier le parcours de son personnage de métaphysique: "Don Juan est un être charismatique, puissant, intelligent, habité par une énergie fabuleuse… mais tout ça au service d’un combat d’où sont exclus toute paix, toute sérénité, tout amour, tout épanouissement. Il est férocement narcissique, incapable de toute relation véritable. Que des gens soient là pour lui, dans un acte gratuit de reconnaissance et d’amour, lui est intolérable. Il le perçoit comme une menace à son intégrité, à sa liberté, à son identité. Il préfère mourir plutôt que de se soumettre à ça, autrement dit mourir physiquement plutôt que psychiquement."

En ce qui concerne la pertinence du personnage et de la pièce en regard de notre époque, James Hyndman a des idées bien arrêtées: "On a fait de Don Juan un précurseur de la révolution française, ce qu’il est, sans doute. Mais, selon moi, ce qui est intemporel chez lui, c’est son incapacité totale à prendre quelque responsabilité que ce soit. Ces dernières années, on revendique des droits, mais on ne veut pas prendre les responsabilités qui en découlent. Don Juan revendique son droit aux femmes, aux conquêtes, au plaisir, mais refuse toute responsabilité. Il a pourtant détruit des destins, provoqué la honte de son père (Jean-Louis Roux) et de ses frères (Jean-François Blanchard et Paul Essiembre), fait le malheur d’Elvire (Noémie Godin-Vigneau), de Charlotte (Éveline Gélinas) et de combien d’autres. Don Juan brûle tout sur son passage!"

C.V.

James Hyndman a une feuille de route exceptionnelle. S’il s’apprête à défendre le personnage de Don Juan, ce que Stéphane Lépine décrit dans le programme comme "l’un des rôles les plus énigmatiques et exigeants du répertoire français", le comédien est particulièrement à l’aise avec les écritures contemporaines: Harold Pinter, Brad Fraser, Botho Strauss, Sébastien Harrisson… Sous la houlette de la metteure en scène Brigitte Haentjens, il s’est approprié Strindberg, Feydeau et Koltès avec autant de conviction. Et comment oublier l’animateur de radio qu’il interprétait dans Eldorado, le long-métrage de Charles Binamé? James Hyndman, c’est une voix, une intensité et un charisme. Parions que ces qualités serviront à merveille le rôle vertigineux de Don Juan.
Du 16 janvier au 10 février
Au Théâtre du Nouveau Monde