Du vent entre les dents : Vent fou
Du vent entre les dents: la toute première création de l’auteure Emmanuelle Jimenez.
De l’aveu même des comédiennes Hélène Mercier et Macha Limonchik – qui jouent respectivement les personnages de Linda et de Sue Makami Her Many Horses dans la pièce -, Du vent entre les dents ne ressemble à rien que l’on ait pu voir sur la scène théâtrale. Selon elles, l’oeuvre allie profondeur et quotidienneté, magie et réalisme. "C’est une fresque familiale qui présente un tricotage de différents niveaux stylistiques dans l’écriture et dans les thèmes", soutient Hélène Mercier. Puis, sa compagne de jeu renchérit: "C’est une pièce assez mystérieuse, elle a une construction unique en ce qui concerne le mélange des personnages et le texte. Je n’arrive pas bien à l’analyser, mais elle me remplit le coeur", lance Macha Limonchik.
PERSONNAGES HÉTÉROCLITES
Comme prémisse, Emmanuelle Jimenez s’est inspirée d’un feu qui, au début des années 2000, a ravagé les forêts du nord du Québec et dont l’odeur de brûlé est venue alourdir l’air déjà chaud de l’été montréalais. C’est dans ce contexte enfumé que la jeune auteure a placé les personnages de son oeuvre.
Entourée de sa mère Angèle (Muriel Dutil) et des autres membres de sa famille, Linda (Hélène Mercier) fête les sept ans de son fils Kevin-Olivier (Olivier Morin) et en profite pour inaugurer sa nouvelle piscine. Puis, les incidents s’enchaînent: son enfant disparaît, sa soeur Lydia (Julie McClemens) annonce de mauvaises nouvelles et Jessica (Émilie Bibeau), la fille de son ex-mari (Jean Maheux), revient méconnaissable des États-Unis. Pour compléter le tableau, la nature se déchaîne sur tout ce beau monde. "Linda ne va pas bien, mais elle ne le sait pas. Tout s’effondre autour d’elle parce que tout va mal en dedans. Elle ne peut plus être dans le déni. C’est trop fort, c’est la nature, le feu et la neige qui arrivent", souligne Hélène Mercier.
Parmi cette galerie de personnages, il y a Sue Makami Her Many Horses, une Amérindienne extérieure à cette famille dysfonctionnelle, qui gagne sa vie en arpentant les trottoirs du centre-ville de Montréal. "Tous les personnages ont un malaise et aspirent à quelque chose sans pouvoir le nommer. Moi, je cherche une famille et je parcours la pièce en essayant de la trouver. On dirait que mon personnage transforme les cataclysmes, qu’elle fait bouger les choses. Je la vois un peu comme un ange déchu de la rue Sainte-Catherine", confie Macha Limonchik. Et il y a l’inspecteur (Gary Boudreault), un personnage quasi surréel, chargé de retrouver l’enfant disparu. "Des fois, en répétition, on parle de la pièce comme d’une fable. Les choses s’arrangent vite et il y a une légèreté qui vient contrebalancer l’angoisse et l’inquiétude des personnages", continue Limonchik.
AMOUR, IDENTITÉ ET AUTRES CURIOSITÉS
Voici donc une mosaïque de gens qui, fragilisés au contact de cataclysmes naturels, devront se serrer les coudes. "C’est une pièce dans laquelle la nature est déglinguée et que l’on joue en plein mois de janvier, alors qu’il fait 13 degrés dehors… C’est difficile de ne pas être interpellé par ces questions écologiques, même si l’auteure n’a pas écrit une oeuvre engagée", explique Macha Limonchik, qui décèle également un discours identitaire dans le texte de Jimenez: "Cette pièce suscite chez moi des questions du genre: "c’est quoi être Québécois quand on habite en ville ou en banlieue?", ou encore: "est-on encore autochtone quand on a oublié les tounes et les prières traditionnelles?" La pièce n’offre pas de réponse, mais elle suggère une ouverture, un apaisement", dit la comédienne.
Toute l’équipe semble littéralement sous le charme de cette rafale de cendres, le metteur en scène Martin Faucher y compris. "Il a un grand respect pour le texte. Il a semé des graines et il a laissé de la place aux acteurs pour voir ce qui pousserait", ajoute Macha Limonchik, qui promet un environnement sonore très vivant.
Du 16 janvier au 10 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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