Amour, cul et violence : Mode de pensée
Scène

Amour, cul et violence : Mode de pensée

Amour, cul et violence, un spectacle sans queue ni tête de Didier Lucien et Guillermina Kerwin.

Au moment même où le Théâtre de la Manufacture présente Coma Unplugged, un "cabaret psychique déjanté", tout droit sorti de l’inconscient d’un homme grièvement accidenté, le Nouveau Théâtre Expérimental propose Amour, cul et violence, une incursion tout aussi psychique, mais bien plus déjantée, dans un cerveau dont le propriétaire est terrassé par un accident vasculaire cérébral.

Malheureusement, le cabaret de Didier Lucien et Guillermina Kerwin n’a pas l’ombre de la cohérence de celui orchestré par Pierre-Michel Tremblay et Denis Bernard entre les murs de La Licorne. Sous prétexte de nous faire visiter les moindres recoins d’un cerveau qui, pendant un AVC, "tente de réorganiser sa pensée en questionnant les fondements de sa vie", c’est-à-dire l’amour, le cul et la violence, les créateurs multiplient les sketchs. Dans ces tableaux, complètement farfelus, la sexualité, le sentiment amoureux et la violence s’exposent sous toutes leurs coutures. Défilés de mode, séances de torture, film pornographique et mariages risibles se succèdent dans un environnement à la fois kitsch et distingué. Tout cela est diablement incongru et inégal, aussi troublant qu’une rencontre entre un ravissant tapis gazon et la toute dernière collection de Philippe Dubuc. Inévitablement, on pense à Nicole, la folle épopée, nettement plus emballante, que signaient Didier Lucien et Stéphane Crête en 2004. Dans ce spectacle, le rêve autorisait les créateurs à s’affranchir de toute cohérence narrative. Cette fois, c’est l’AVC qui sert d’alibi. Qu’est-ce que ce sera la prochaine fois? L’amnésie? L’épilepsie? Le syndrome de la Tourette?

Si l’ensemble est fondamentalement déroutant, certains passages font franchement éclater de rire. Les interprètes, loin d’y laisser des plumes, avancent sur la corde raide qui sépare – et relie – le comique, l’absurde et le tragique. À l’aise dans tous les registres, ils dansent, chantent, miment et défilent avec autant d’assurance. Les musiques d’Alain Lucien et Frédéric Darveau, de suaves morceaux trip-hop sur lesquels Valérie Le Maire dépose tout naturellement sa voix, méritent une mention spéciale. On se surprend même à quitter la salle en chantonnant.

Jusqu’au 3 février
À l’Espace Libre
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