Brigitte Haentjens : Une vie de Woolf
Scène

Brigitte Haentjens : Une vie de Woolf

Avec Vivre, Brigitte Haentjens raisonne sur le processus de création en dressant un portrait impressionniste de la vie et de l’oeuvre de Virginia Woolf.

Sur les planches de l’Usine C, les comédiens Céline Bonnier, Sébastien Ricard et Marie-Claude Langlois nageront entre la biographie de Woolf et son oeuvre littéraire. Au départ, Haentjens voulait adapter Orlando, qui traite d’un héros/héroïne qui traverse le temps et change de sexe. Or, Bob Wilson l’avait fait, et elle n’aimait pas l’idée de marcher dans les pas d’un autre. "Ça demeure une forme d’adaptation d’Orlando, explique Haentjens, qui a écrit et mis en scène la pièce. Ce roman est la trame de fond de Vivre. C’est la base, le fil du spectacle. En fait, c’est un peu comme si on décrivait l’écriture d’Orlando."

Par ailleurs, il est difficile de parler de Vivre sans penser à The Hours, le roman, adapté au cinéma en 2002, qui s’inspire et de la vie et de l’oeuvre de Virginia Woolf. "Ce film-là m’a complètement troublée. Pendant un certain temps, il m’a empêchée d’avancer. C’est un film très juste. Si je ne l’avais pas aimé, il ne m’aurait pas embêtée. Mais là, il m’obsédait. Il reste que c’est du cinéma, et je ne pouvais pas rivaliser avec ça. Le théâtre, c’est complètement différent."

CLAIR-OBSCUR

Grande figure littéraire du 20e siècle, Virginia Woolf est définitivement un mystérieux personnage. Le défi de Haentjens était éminent: "Woolf n’est pas du tout limpide. Il y a beaucoup de paradoxes dans son personnage, des contradictions très difficiles à décoder. C’est ça que je trouve intéressant."

Après s’être attaquée entre autres à Marguerite Duras, Sylvia Plath et Bernard-Marie Koltès, Haentjens connaît bien les contrastes, la tourmente et la mort. Ils font partie de son univers artistique. Il s’agit là de sources inépuisables de création. "Un artiste ne peut pas être vraiment serein par rapport au monde dans lequel il vit. Il a un souci d’expression de vérité. Si tu cherches à aiguiser ton regard sur le monde et à préciser l’environnement humain, c’est forcément chaotique. La création elle-même est très chaotique. Mais étudier la tourmente est toujours source de joie. Quand tu travailles le chaos, tu l’élucides. Quand tu parles de la mort, tu l’apprivoises."

Choisir Vivre comme titre pour une pièce qui s’inspire d’une femme dépressive et qui a fini par se suicider n’est pas aussi étrange qu’on peut le croire. "Elle était très dépressive et suicidaire, mais c’est quelqu’un qui se battait pour vivre. C’était un combat contre la mélancolie. Elle a lutté toute sa vie contre la dépression. C’est pour ça que Vivre m’apparaît être un bon titre. Quelqu’un qui se suicide à 60 ans, ce n’est pas comme une personne qui le fait à 20 ans."

UNE AFFAIRE DE MOTS

Au-delà de l’univers lugubre et dépressif de la romancière, Haentjens s’est avant tout intéressée au processus de création. L’importance des mots pour Virginia Woolf, voilà ce que Haentjens a voulu capter. "C’était une femme qui ne vivait que de mots. Vivre observe comment l’écriture se fabrique. Dans la pièce, on passe sans arrêt de la fiction à la réalité. Je voulais présenter comment tu vis quand tu travailles en création, expliquer que quand tu crées, tu intègres les éléments de ta vie quotidienne."

Nul doute, autant les fins connaisseurs de Woolf que les néophytes sont susceptibles d’apprécier Vivre. "C’est un spectacle qui parle beaucoup du sens de créer quelque chose, sans être nécessairement de l’art. Et ça, chaque être humain y est confronté."

Du 23 janvier au 3 février
À l’Usine C
Voir calendrier Théâtre