La Tempête : La Tempête se lève
Scène

La Tempête : La Tempête se lève

La Tempête déferlera dès la semaine prochaine au Petit Théâtre de Sherbrooke dans une version adaptée par Michel Garneau, qui a su traduire le grand Will en québécois.

La première fois que Michel Garneau a traduit le texte de La Tempête de Shakespeare, c’était dans les années 1970.

Un mordu de cette oeuvre, le metteur en scène français Jean-Marie Serrault, souhaitait la monter en version québécoise. André Pagé, alors directeur de l’École nationale de théâtre, lui avait dit qu’il connaissait un seul auteur assez fou pour s’attaquer à la traduction de Shakespeare en québécois: Michel Garneau.

Sitôt le mandat accepté, l’auteur s’est demandé dans quelle galère il s’était embarqué. "On peut faire des grosses bourdes en traduisant Shakespeare!" Il cite alors différentes expressions comme "sophisticated lady", un euphémisme pour parler d’adultère.

Truffée d’expressions typiquement québécoises, son adaptation surprend et émerveille. Dans la version parue chez VLB éditeur en 1989, Prospéro (ici incarné par Sylvain Hétu) parle d’"ennemis tout emberlificotés", de "se colletailler", de gens "enfirouapés" et de "croire à ses accraires". Ces expressions assaisonnent délicieusement la pièce, sans en changer le goût.

UNE RELATION AU LONG COURS

"Ma relation à Shakespeare, c’est l’une des choses les plus importantes dans ma vie", lance Michel Garneau, installé dans un bureau du Petit Théâtre de Sherbrooke. Il raconte alors une anecdote survenue quand il avait environ 10 ans. Enfant précoce, Michel Garneau a très tôt fait preuve d’un intérêt marqué pour les arts. Au collège, il se retrouvait constamment en retenue parce qu’il lisait durant la classe "des choses qu’il n’était pas supposé de lire", comme les oeuvres de Rabelais. Un soir, plutôt que d’aller à sa retenue, il s’est rendu au ciné-club d’un autre collège pour voir le MacBeth d’Orson Welles. "C’est un film très intense et très beau. J’avais été bouleversé!"

Se sentant investi par la force de cette oeuvre, le jeune Michel a déclaré au préfet de discipline que jamais plus il n’irait à la retenue. Quand il a dû rencontrer le recteur pour s’expliquer, ce dernier lui a demandé quel était son problème. "Vous m’empêchez d’apprendre!" lui a rétorqué Garneau. Après avoir pris connaissance des différentes lectures du jeune garçon, le recteur lui a dit: "Si tu ne déranges personne, y’a personne qui va te déranger", en lui donnant accès à tous les ouvrages de la bibliothèque, même ceux de la section "L’Enfer".

Cette anecdote de jeunesse marque le début de la relation de Garneau avec Shakespeare. Au fil des ans, l’auteur a traduit quatre pièces de Shakespeare : MacBeth, Coriolan, Le Soir des rois et La Tempête. "J’aime la langue québécoise et la langue française. J’ai le droit en tant qu’artiste à toutes les sortes de français", observe-t-il.

VERSION SPORTIVE

La Tempête qui sera présentée au Petit Théâtre est mise en scène par la conjointe de Michel Garneau, Isabelle Cauchy, codirectrice artistique de la compagnie. Cette Tempête est encore plus condensée que la version publiée chez VLB, et Garneau la décrit comme une version "sportive". "J’ai travaillé sur la "jouabilité" du texte, observe-t-il. En enlevant beaucoup de choses autour, le focus est plus fort sur les choses comiques."

Ainsi resserrée, l’oeuvre dure environ une heure et s’adresse à un public âgé de 11 ans et plus. Sportive, la pièce l’est sans contredit pour les comédiens. À quatre, Sylvain Hétu, Amélie Bergeron, Érika Tremblay-Roy et Jean-François Hamel défendent 10 personnages. Ariane Bisson-McLernon a enregistré sa voix pour l’esprit Ariel, évoqué par toutes sortes de jeux de lumière, conçus par Marcelle Hudon. "Proposer aux acteurs de faire plusieurs personnages nous met d’emblée dans le sens du jeu, constate l’auteur. Ça nous débarrasse de tout souci de vraisemblance. Au théâtre, c’est l’imaginaire qui nous intéresse."

Lorsqu’ils ne se trouvent pas sur scène, les comédiens sont appelés à manipuler différents éléments pour les besoins de la scénographie. La pièce est habillée par des jeux d’ombres et quelques projections vidéo, qui permettent notamment de suggérer les pouvoirs magiques de Prospéro.

TESTAMENT SHAKESPEARIEN

Sorte de testament de Shakespeare, La Tempête est la dernière pièce que le dramaturge anglais a écrite. Il y fait ses adieux au théâtre tout en disant au public qu’il espère lui avoir plu. "Une des choses qui me plaît chez Shakespeare, c’est le mélange des genres. C’est la vie qui l’intéressait!" indique l’auteur, qui travaille actuellement au projet d’adapter Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, toujours pour le Petit Théâtre de Sherbrooke. C’est que Gulliver n’a pas rencontré que des Lilliputiens durant ses aventures. Et Garneau souhaite faire connaître l’oeuvre de Swift, personnage flamboyant, de la façon la plus fidèle possible à l’oeuvre originale. "Comme pour Shakespeare. Je travaille à en faire ressortir l’essence pour que les gens y retournent. Ce sont de grands textes qu’il faut honorer."

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En plus des représentations grand public du vendredi et du samedi, une présentation spéciale de La Tempête a lieu le dimanche 4 février dans le cadre de la campagne de financement du Petit Théâtre. Les gens sont invités à bruncher dès 11h30 pour ensuite assister au spectacle. Les porte-parole de la campagne, Martine Francke et André Robitaille, seront de la partie. Renseignements: 819 346-7575.

Les 27 janvier, 2, 3, 9 et 10 février à 19h30
Au Petit Théâtre de Sherbrooke