L’Ouest solitaire : L’arène d’âpreté de Leenane
L’Ouest solitaire, première production du Théâtre Embryonnaire, nous présente deux frères qui s’entredéchirent, mais ne peuvent se passer l’un de l’autre. Quand la vie est un combat.
Après La Reine de beauté de Leenane de Martin McDonagh, présentée au Trident en 2002, voilà que l’on peut maintenant découvrir en première québécoise L’Ouest solitaire, autre volet de sa trilogie située à Leenane, petite ville de l’ouest irlandais. À travers l’histoire de deux frères qui n’ont de cesse de se faire enrager l’un l’autre (Jean-Michel Déry et Jean-René Moisan), l’auteur britannique y dépeint un milieu sombre, où prolifèrent les meurtres et les suicides, la pauvreté, l’alcoolisme. Des drames affectant particulièrement le père Welsh (Vincent Champoux), qui en vient à parier son âme sur la réconciliation des deux hommes, plutôt que de saisir sa chance de bonheur, incarnée en Girleen (Édith Patenaude), une jeune contrebandière. Mais c’est sans compter qu’il est de ces états d’aliénation où l’amour ne trouve à s’exprimer que par la violence et la cruauté…
En forme de combat, c’est au gré des coups qu’il assène, sans concession ni merci, pour nous faire rire et nous saisir, que le texte édifie un univers aussi dense qu’à part. Ainsi l’efficacité de son discours vient-elle du fait qu’il est porté par des personnages fermement campés dans leur position, allant au bout de leur logique, qu’elle soit de lucidité ou d’aveuglement. Des êtres plus grands que nature, dans leur aplomb comme dans leur vulnérabilité, mais révélant avec justesse la réalité qu’ils illustrent sous tant de tumulte. De là, ainsi que d’un concert de petits détails particulièrement évocateurs, naît un humour mordant, tendu entre tragique et comique.
Cela dit, on comprend que Marie-Hélène Gendreau ait opté pour une mise en scène plutôt transparente, mettant l’accent sur le jeu des acteurs (Déry, particulièrement, impose d’emblée un personnage auquel on croit malgré ce qu’il a, comme tous les autres, de typé, tandis que Champoux, dans un rôle plus dramatique, s’avère également très solide). À ce chapitre, c’est par ailleurs l’intensité des confrontations qui frappe, le choix d’y aller d’empoignades réelles – pari risqué au théâtre – s’avérant judicieux, tant pour leur aspect percutant que pour les batailles d’enfants qu’elles évoquent. Si l’on y ajoute des meubles et des accessoires (Marie-Renée Bourget Harvey) qu’on croirait tout droit sortis d’une grange bien de chez nous ainsi que les expressions locales de la traduction de Fanny Britt, l’ensemble revêt soudain un caractère familier, qui n’est pas sans le faire résonner en nous de manière encore plus tangible.
Jusqu’au 27 janvier à 20h
À la salle Avenue Tango
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