Margie Gillis : Danse avec les pierres
Margie Gillis aurait dû nous livrer A Stone’s Poem en compagnie de Paula Styron. C’est finalement telle qu’on la connaît le mieux qu’elle nous revient: en solo.
Au fil des quelque 80 solos qui ont ému bon nombre de publics autour de la planète, Margie Gillis a donné vie à ses paysages intérieurs avec une sensibilité extrême et une intensité vibrant jusqu’à la pointe de ses cheveux. Quinquagénaire depuis quelques années, elle sent son corps changer et a vaguement songé à quitter la scène. Mais on n’abandonne pas si facilement un navire qui vogue encore allègrement. "La danse veut sortir, alors je la suis!", s’exclame-t-elle joyeusement. On comprend cependant que la recherche qui a conduit à sa nouvelle création concerne la notion d’adaptation au temps qui passe.
"Par moments, je me sens comme une jeune fille et à d’autres, comme une vieille femme, confie-t-elle. Au fond, je n’ai pas d’âge: j’ai tous les âges… J’ai cherché à comprendre la vie et le mouvement depuis là où j’en suis, et à voir comment rester authentique avec ça. Et j’ai pensé que je trouverais les réponses à mes questions dans la nature. Je savais qu’elle pourrait me donner la sagesse de la patience. M’apprendre à être solide et à être fluide, à relâcher des choses. Parce que le pouvoir est dans la douceur…"
Connectée à sa vie intérieure tout autant qu’aux mystères de l’univers, Margie Gillis n’en est pas à sa première "collaboration" avec la nature. De tout temps, elle a été un lieu suprême de ressourcement. Quand elle décide de travailler avec son amie Paula Styron, collaboratrice de la chorégraphe américaine Martha Clark, elles ressentent le besoin d’entrer dans la nature, de faire corps avec elle. "La dernière section a été créée dans une carrière en Norvège, précise-t-elle. D’autres passages ont vu le jour au bord de la mer, en pleine nature sur la côte ouest du Canada, au Yukon, près du fleuve à Baie-Comeau… Le défi était de sonder le lien entre l’humain et la nature et de retransmettre sur scène une expérience totale instantanée. Quelque chose qui se vit en même temps avec la tête, le corps et l’âme."
Les deux femmes ont travaillé sur leurs solos respectifs au cours d’un processus de création qui s’est échelonné sur deux ans et demi. Elles n’avaient pas encore trouvé comment lier leurs créations quand Paula Styron a décidé de se retirer suite au décès de son père, l’écrivain William Styron qui a souvent inspiré et soutenu le travail de Margie Gillis. À 15 jours à peine de la première, la pièce avait enfin trouvé sa forme: Margie dansera certains passages chorégraphiés par Paula, tandis que d’autres ont été mis en réserve pour une collaboration ultérieure. Étonnamment, l’assemblage du puzzle forme un tout homogène, sans doute lié par la dimension contemplative qui a habité les deux artistes au moment de la création. "C’est la première fois que je danse un solo aussi long, déclare Margie Gillis. J’ai toujours présenté des sortes d’anthologies de poèmes avec une succession de petites oeuvres, mais cette fois, il y a un prélude et ensuite, c’est un programme complet en continu." Un programme dédié à la mémoire de William Styron dont l’esprit flottera entre les cintres et le coeur de Margie.
Jusqu’au 20 et du 24 au 27 janvier
À l’Agora de la danse
Voir calendrier Danse
À lire/voir/écouter si vous aimez
Les sculptures d’Andy Goldsworthy
La poésie de Mary Oliver et de Raine Maria Rilke
La musique archéologique de Larsen Lupin