Philippe Savard : À l’ouest de nulle part
Philippe Savard signe Closingtown, un western nouveau genre inspiré du roman City d’Alessandro Baricco et puisant à même la mythologie de l’Ouest américain pour offrir un spectacle unique.
Un crépuscule époustouflant, digne des meilleurs westerns spaghetti de Sergio Leone, et le vent, le vent qui roule ses balles de poussière en sifflant dans le désert brûlant, sur un fond musical qu’on dirait tout droit sorti de la tête d’Ennio Morricone. La silhouette d’un homme s’avance le long du chemin sablonneux, c’est Phil Wittacher qui arrive à Closingtown, un village perdu dont la grosse horloge, baptisée le Vieux par les habitants du coin, a cessé de fonctionner il y a 34 ans, 2 mois et quelques jours. Depuis l’arrêt du balancier, le temps s’est littéralement figé, repliant les pans de son large manteau autour d’un terrible mystère que Wittacher tâchera de percer à mesure que le Vieux sera remis en état de marche.
Mise en scène par Philippe Savard, Closingtown est une adaptation, dont il s’est lui-même chargé, du foisonnant roman City de l’Italien Alessandro Baricco, dans lequel s’entremêlent plusieurs histoires. "C’est vraiment le western comme tel qui m’intéressait, remarque Savard. J’ai donc sorti tout ce qui avait rapport avec ça et j’ai élagué un peu pour ne conserver que l’histoire de Phil Wittacher, l’horloger qui débarque au village afin de réparer le mécanisme du Vieux. J’ai même écrit quelques nouvelles scènes pour mieux faire les transitions, pour donner plus d’information ou développer certains personnages." Il en résulte une oeuvre hybride qui gagne en cohérence, une intrigue sans longueurs portée par la langue poétique de l’auteur turinois.
Malgré l’immobilisme temporel du village, qui est à la fois décor et personnage central, la pièce pulse des tensions d’une attente pleine de mouvement. Les protagonistes continuent de vivre, d’évoluer et de vieillir, mais leur décès, hors du temps, est devenu impossible. "Ils sont tannés, il y en a là-dedans qui sont rendus âgés, qui souffrent, mais ils ne meurent juste pas. Ils attendent que la vie recommence, même si ça doit signifier pour eux la mort. Il faut que leur histoire se conclue, que leur destin se termine." Les comédiens, dans une scénographie efficace d’Erica Schmitz, explorent le malaise ontologique inhérent à l’immortalité des êtres qu’ils incarnent. "Plus on avance dans la pièce, ajoute le metteur en scène originaire de Québec, plus ça accélère. On se promène d’un bord à l’autre de la scène, exactement comme si le balancier du Vieux allait repartir."
De l’univers mythique des grands espaces américains aux duels dans la rue principale, en passant par les pistoleros et les saloons malfamés, Philippe Savard nous rappelle avec Closingtown que les secrets se blottissent au coeur du temps, et que, si "on est capables de vivre sans horloge, sans destin, c’est pas mal plus difficile".
Jusqu’au 3 février
À Premier Acte
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