Bashir Lazhar : Leçon de vie
Scène

Bashir Lazhar : Leçon de vie

Avec Bashir Lazhar, Évelyne de la Chenelière nous offre une fable humaniste et lumineuse qui nous donne envie de retourner sur les bancs de l’école.

Un tableau noir, une craie blanche qui crisse, des pupitres en bois, des enfants aux yeux avides qui lèvent la main bien haut pour attirer l’attention de leur professeur…, toutes les classes d’école du monde se ressemblent. Il n’y a que les yeux des adultes pour ne pas voir cela. Avec Bashir Lazhar d’Évelyne de la Chenelière, le metteur en scène Daniel Brière nous invite à écouter bouche bée une leçon de vie racontée par un maître remplaçant venu d’ailleurs, une ode à la langue française récitée par un homme dont la langue maternelle est l’arabe.

Seul sur scène comme le sont tous les professeurs, l’acteur Denis Gravereaux y interprète avec justesse et émotion Bashir Lazhar, un immigrant algérien venu au Québec dans l’espoir d’obtenir le statut de réfugié politique et de fonder un nouveau foyer pour sa famille persécutée par les "barbus". Devant la directrice, les collègues instituteurs méfiants et les parents d’élèves stupéfaits, il campe un arabe libre-penseur et féministe, attaché à l’enseignement de l’orthographe et de la grammaire, adepte de la dictée et des fables de La Fontaine. Bien sûr, Bashir n’est pas vraiment professeur; là-bas, en Algérie, il tenait un café et c’est sa femme qui faisait l’institutrice. Bien sûr, il n’a pas vraiment le droit de travailler, il ne connaît pas le programme, ni l’âge que doit avoir un enfant de 6e année et il ne doit son poste qu’aux circonstances dramatiques qui ont conduit une institutrice un matin, pendant la récréation, à se pendre dans sa classe. Mais il aime profondément les enfants et il tient à leur enseigner des choses essentielles comme le courage, la justice, l’amitié ou le bonheur.

Au-delà de la satire acerbe de l’univers scolaire québécois et de la description amère mais profondément juste de la vie quotidienne d’un immigrant dans notre société saturée de préjugés, autour desquels le spectateur est invité à débattre à la fin du spectacle, la pièce trace en filigrane une ode lumineuse à la vie. Poétiquement illustrée par de magnifiques ponctuations sonores de Danny Braün et une scénographie soignée d’Oum-Keltoum Belkassi évoquant les souvenirs algériens de Bashir, le discours du professeur devient un hommage à ceux qui luttent coûte que coûte pour survivre. Et quand Bashir tire sa révérence, son petit cartable sous le bras, on voudrait redevenir un élève turbulent qui tente de retenir son cher maître d’école en levant son doigt jusqu’au ciel.

Jusqu’au 17 février
Au Théâtre d’Aujourd’hui
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