Don Juan : Coeur de pierre
Scène

Don Juan : Coeur de pierre

Don Juan, une oeuvre mythique livrée avec bien peu d’âme.

Au Théâtre du Nouveau Monde, le Don Juan de Molière est une référence, une pièce baromètre à laquelle tous les directeurs artistiques finissent tôt ou tard par se mesurer. Lorraine Pintal, en poste depuis 1992, n’échappe pas à la règle. À l’invitation du Festival de Stratford, elle offrait l’été dernier sa lecture d’un classique qui allie de manière particulièrement délicate le comique et le tragique. La production, qui s’installe à Montréal après que quelques changements aient été apportés à la distribution, est malheureusement loin d’exercer la terrible fascination qu’elle devrait inspirer.

Don Juan est une créature complexe, tout en lui prête à interprétation. Il inspire la crainte et la pitié, l’admiration et le dégoût, le désir et la colère. S’il est insoumis, vantant les mérites du libre arbitre, il lui arrive aussi d’être cruel, obtus et machiavélique. Pour un personnage de théâtre, abriter autant de contradictions est une grande qualité, une richesse qui oblige à faire des choix. En ce sens, la mise en scène de Pintal emprunte de discutables avenues. Sous les traits de James Hyndman, Don Juan est bien plus cérébral que charnel, plus lâche et puéril que ferme et vindicatif. L’homme ne semble pas habité par cette force vive qui doit tout balayer sur son passage, il ne paraît pas conduit par ce sombre dessein qui doit le condamner à une mort atroce. Le plus désolant, c’est qu’on reste convaincu que la rencontre entre l’interprète et le mythe était possible, qu’elle aurait pu être fertile.

Outre Éveline Gélinas, truculente paysanne, les rôles secondaires offrent assez peu de relief. Heureusement, Benoît Brière est en pleine forme. Dans la peau de Sganarelle, un emploi de valet qui lui va comme un gant, l’acteur excelle. C’est son irrésistible pitre, coincé entre l’arbre et l’écorce, qui nous guide d’un bout à l’autre de la représentation. Beaucoup de soin a été apporté aux conceptions: le décor épuré de Danièle Lévesque est magnifiquement éclairé par Axel Morgenthaler (les évocations de la forêt et du caveau sont particulièrement impressionnantes), les costumes de François St-Aubin sont somptueux et la musique de Robert Normandeau est angoissante à souhait.

Jusqu’au 10 février
Au Théâtre du Nouveau Monde
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