La forme des choses : Autopsie d’une oeuvre d’art
La forme des choses, production du Théâtre des Fonds de Tiroirs, nous mène dans un univers étonnant, où se mêlent humour et froideur.
Adam, étudiant en lettres et gardien dans un musée, rencontre Évelyne au moment où, armée d’une bonbonne de peinture rouge, elle s’apprête à attaquer une statue. Il tombe amoureux, prêt à se transformer pour plaire à cette étudiante en arts visuels aux fortes convictions. Coupe de cheveux, vêtements, comportements, relations: tout y passe, dans une métamorphose qui séduit Évelyne et Adam lui-même, mais finit par agacer et inquiéter ses amis.
Pour mettre en scène cette histoire d’amour, d’art et de mensonge, Frédéric Dubois mise sur le contraste entre texte et esthétique du spectacle. La pièce de Neil LaBute présente plusieurs situations quotidiennes, que raconte un texte touffu au langage familier et aux échanges rapides. L’ensemble, réaliste, se déroule dans un décor abstrait, dépouillé (Vano Hotton), qui surprend dès l’entrée: public sur quatre côtés; au centre, plateau nu, bordé de cordons de sécurité. C’est là que se rencontrent Adam et Évelyne, là que se jouera toute leur histoire. Combinés à cette scénographie épurée, les éclairages aux couleurs pâles, parfois très zonés, l’utilisation de la musique, des images et du son provoquent un décalage et donnent à l’ensemble un aspect artificiel, un peu désincarné, évoquant à la fois une certaine esthétique moderne et les courants souterrains de cette histoire.
L’interprétation se situe entre ces deux pôles: ton naturel, jeu réaliste, ponctués de quelques brefs moments plus stylisés. Confinés à cet espace des apparences, où vie et art se mêlent, se confondent, les comédiens incarnent avec aplomb des personnages antagonistes. Soulignons la solide interprétation de Jonathan Gagnon (Adam), sensible, entre naïveté et trouble; avec lui, Marie-France Desranleau, Marika Lhoumeau, Christian Michaud, tous excellents, énergiques. Le texte, rythmé, saccadé, sonne par moments comme une fusillade. La rapidité avalant de temps en temps la clarté de l’articulation, on en perd cependant quelques passages.
Comédie qui grince, La forme des choses pose des questions sur l’art et les relations humaines. Son propos nous laisse avec une impression de malaise que la mise en scène de Frédéric Dubois, servant brillamment le texte, fait ressentir profondément.
Jusqu’au 3 février
Au Théâtre Périscope
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