Les mains sales : Coup de poing
Scène

Les mains sales : Coup de poing

Avec Les mains sales, Marie Gignac fait résonner avec force la parole de Jean-Paul Sartre, qu’on redécouvre avec admiration.

Hugo a la vingtaine idéaliste. En quête d’absolu, il adhère au Parti communiste. Il a faim d’action, pour enterrer de façon définitive son passé bourgeois; on lui confie la mission d’assassiner un des dirigeants du parti, Hoederer. Hugo est sûr de lui; il a une confiance totale en ceux qui lui ont commandé l’assassinat. Pourtant, devant Hoederer qu’il admire, sa volonté, bien qu’il s’en défende, hésite, fléchit par moments. Les convictions suffisent-elles à transformer quiconque en assassin?

La pièce Les mains sales impressionne: par sa construction, très habile, qui en fait un véritable suspense; par ses dialogues vivants, où s’entend la pensée brillante de Sartre; par ses personnages forts, bien dessinés, complexes. Par son propos, enfin, qui au-delà du dilemme moral fait réfléchir à des sujets divers: le terrorisme, le fanatisme, le prix de la vie humaine et des idées, la confrontation entre idéal et pragmatisme, pureté et compromis.

S’il est question de partis, de pays, dont un imaginaire, le texte dépasse largement l’histoire qu’il raconte. Et la mise en scène de Marie Gignac, à l’esthétique étonnante, résolument moderne, en révèle toute la valeur, en prolonge la portée et, le réactualisant, lui insuffle une énergie tonique.

Ce prolongement s’opère, d’abord, par la scénographie – plateau dépouillé, cerné de clôtures, décor en forme de hangar – et par les éclairages un peu glauques, qui donnent à l’ensemble un caractère clandestin. On est à la fois nulle part et partout, dans un temps non déterminé, mais assez près de nous. Il en va de même de l’allure des personnages, aux costumes (Virginie Leclerc) métissant les modes, particulièrement frappants chez les personnages secondaires, et de la musique, énergique, plutôt rock. Le tout forme une esthétique contemporaine, un peu garage, un peu trash, dirait-on.

Pour mener cette histoire, jeu remarquable de tous les comédiens, des personnages principaux jusqu’à ceux qui ne font que passer. Chacun est bien cerné, existe avec force. Au centre, le duo impressionnant que forment Guy Thauvette et Hugues Frenette, opposant la force, le calme et l’humanité attachante d’Hoederer à la pureté inquiète, aveuglée puis désillusionnée d’Hugo.

Pièce fort bien menée, à la fois divertissement et réflexion, Les mains sales allie texte solide et mise en scène percutante. Et se termine sur un crescendo, en forme de décharge électrique.

Jusqu’au 10 février
Au Grand Théâtre
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