Oxygène : Bouffée d’air frais
Le spectacle-performance Oxygène arrive directement de la Cie Fraction de Bruxelles pour un séjour à Ottawa, en exclusivité nord-américaine. Rencontre avec son metteur en scène, Galin Stoev.
Joint en France, où il monte une pièce à la Comédie française, le metteur en scène originaire de Varna en Bulgarie Galin Stoev dit d’entrée de jeu n’avoir d’abord rien compris au texte Oxygène du dramaturge russe Ivan Viripaev: "J’ai d’abord pensé que ce n’était pas vraiment du théâtre, mais en même temps, j’étais conscient que le texte devait être écouté et pas juste lu", avoue-t-il au bout du fil.
Décrit comme un spectacle "hors normes" et "perturbateur", Oxygène aura certainement l’effet d’une onde de choc dans le paysage théâtral d’ici. Plantée entre le théâtre et le concert techno, l’oeuvre est aussi un pamphlet explosif sur l’état du monde actuel pris dans sa torpeur.
Sur scène: 3 acteurs et 1 DJ construisent 10 partitions musicales, scandées tels des commandements offensifs dans un flot énergétique et continu de paroles. "J’aime beaucoup l’idée que sur la scène, on a des gens qui travaillent comme des ouvriers à construire un labyrinthe, pour ensuite le proposer au spectateur; et chacun pourra trouver son propre chemin, sa propre entrée et sortie."
S’intéressant au théâtre social, l’auteur aiguise ici sa lame sur les sujets du terrorisme et de l’extrémisme, notamment, tout en évoquant une histoire d’amour-amitié entre Sacha-Alexandre et Sacha-Alexandra. "C’est une sorte de talk-show où le spectateur est confronté à un très fort fleuve de démons", indique le metteur en scène. "C’est un recueil musical où, au lieu des notes, on a utilisé des mots", complète-t-il.
Tant de mots pour décrire un spectacle qui en sera rempli, la musique tenant le rôle d’accompagnement neutre, tout en contribuant à la recherche de sens, au coeur d’Oxygène. "Le texte est tellement hystérique; on est constamment dans cette recherche du sens qui nous échappe tout le temps", note Galin Stoev, qui aime l’idée d’un spectacle "où ce ne sont pas les spectateurs qui le regardent, mais bien le spectacle qui regarde les spectateurs".
Nageant parfois dans la confusion, la trame du texte prend également des raccourcis dans le temps, traçant un pont entre l’hier et le demain, passant sans heurt de la Jérusalem biblique à celle qui croule sous le conflit israélo-palestinien. "Dans Oxygène, on vit dans une dictature de la relativité où tous les points de repère sont perdus. On garde quand même la responsabilité de rester éveillés et de ne pas arrêter de se poser des questions."
Le texte ayant conservé nombre de références liées à la condition sociale de la Russie même, le metteur en scène a été séduit par ce fait de "transmettre une oeuvre étroitement liée à son contexte" lorsqu’il a présenté Oxygène (Kislorod dans sa version originale) en Belgique. Le spectacle s’est depuis baladé en Europe, récoltant un succès inattendu. "Après la première répétition, quand les acteurs m’ont dit qu’ils ne comprenaient rien, j’ai pensé que ça allait être un échec. Mais petit à petit, en suivant le processus de décodage et en faisant avancer le sens, on a très vite compris que ça pouvait marcher et ce, dans n’importe quelle situation", se réjouit M. Stoev, qui est on ne peut plus confiant quant à la réception outre-Atlantique. "Il y a quelque chose qui nous réunit tous dans ça, peu importe les distances!" conclut-il.
Du 31 janvier au 3 février à 20h
Au Studio du CNA
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