Martin Drainville : Art martial
Le comédien Martin Drainville est heureux comme un poisson dans l’eau: dans la pièce Au-delà du rire, cet amateur d’humour interprète un auteur de comédie.
Récemment écrite par le Nippon Koki Mitani, cette grinçante satire a été jouée à Tokyo et aux États-Unis, mais son passage à Montréal fait office de première mondiale francophone. L’action se déroule au Japon, dans les années 40. Là-bas, en temps de guerre, le rire et l’amusement pouvaient être perçus comme immoraux. Un léger problème qui n’empêche pas un auteur japonais (incarné par Martin Drainville) de vouloir monter une adaptation libre et comique de la mythique Roméo et Juliette. Son seul et unique désir: que sa pièce soit approuvée par un censeur. "À l’époque, au Japon, c’était une démarche normale et obligatoire pour un auteur d’aller au bureau de la censure afin de faire approuver son texte. S’il n’était pas accepté, il ne passait pas", affirme Martin Drainville.
LES ALÉAS DE LA CENSURE
L’auteur doit donc faire face à un censeur rigide (Luc Guérin) qui, au terme d’une semaine de rigoureuse analyse, décidera de coiffer ou non le texte d’un tampon d’acceptation. "C’est un censeur qui ne comprend pas l’utilité du rire, du théâtre ou des arts, et qui va tout faire pour refuser la pièce. L’auteur reçoit quotidiennement des exigences du censeur et il doit parvenir à les remplir tout en gardant sienne sa pièce, sans la dénaturer ou s’éloigner de son but qui est de faire rire", explique Drainville. Puis, inévitablement, à force de proximité et d’échanges, une rencontre humaine se produit. "Les deux individus vont sortir de leurs rôles officiels et se rendre compte, par la force des choses, qu’ils ont beaucoup plus en commun qu’ils ne le croient", continue le comédien.
Selon lui, Au-delà du rire se range du côté de la comédie, genre qui se révèle dans les négociations et les dialogues entre un auteur futé et un censeur austère, ainsi que dans les contraintes loufoques que ce dernier impose à l’écrivain. Hormis le thème de la censure, Martin Drainville souligne que la pièce aborde la nécessité de la liberté d’expression et du rire. "Je mords dans ces propos à belles dents. J’aime l’humour parce que, exercé par les bonnes personnes, c’est un outil de réflexion extraordinaire. Ça nous renvoie à nos propres contradictions et incohérences. Pour moi, le rire, c’est d’avoir espoir en la vie pendant un moment", confie-t-il.
LE JAPONAIS EN NOUS
Luc Guérin et Martin Drainville, qui se connaissent depuis près de 20 ans, ont souvent travaillé ensemble. Cette fois-ci, pour la première fois, ils se retrouvent seuls sur scène dans une atmosphère de duel intellectuel. "Pour le spectateur, le face-à-face permet d’assister à un match de ping-pong et de regarder aller la petite balle, sans être distrait par mille et une choses", lance Drainville. De plus, les deux comédiens incarnent de vrais Japonais! "Au début, Luc et moi avions de grosses réticences quand on nous a dit que ce serait une traduction et non une adaptation. Puis, on s’est rendu compte que le Japon n’était pas si loin de nous… dans l’énergie, dans l’écriture de l’auteur et dans le propos. De la censure, il y en a eu partout et de tout temps. Même ici, elle existe encore, mais sous d’autres formes…", soutient le nouveau papa.
Si le comédien croit que le contenu de la pièce est universel et que l’aventure décrite aurait pu se passer n’importe où, il souligne qu’une couleur japonaise imprègne le récit et que la mise en scène de Carl Béchard la met en lumière: "Sa mise en scène est très épurée, comme les Japonais peuvent l’être. Elle montre aussi la noblesse et la dignité du combat et met en images la dualité des personnages", souligne Drainville avant d’ajouter: "Sans avoir abordé mon personnage d’un point de vue japonais, un Japonais est arrivé! Il y a quelque chose dans le cérémonial et dans les salutations qui teinte le reste. C’est comme si le Japon t’envahissait doucement!" rigole-t-il.
Du 6 février au 3 mars
Au Théâtre du Rideau Vert
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