Phèdre : La cérémonie
Phèdre, production de la Bordée, donne le plaisir d’entendre la langue de Racine, présentée par Martin Genest dans un écrin âpre, empreint de solennité.
Phèdre, épouse du roi Thésée, est amoureuse de son beau-fils, Hippolyte. Victime de la malédiction de Vénus, elle éprouve pour lui une passion violente, irrésistible. Horrifiée par cet amour coupable, la reine veut mettre fin à ses jours pour préserver sa réputation et faire cesser le supplice. Mais la rumeur de la mort de Thésée, absent depuis longtemps, et l’insistance d’Oenone, sa confidente, l’amènent à changer de dessein. Ainsi s’enclenche la tragédie, où se mêlent influence des dieux et tourments humains.
La pièce se joue dans un décor impressionnant (Jean Hazel): une structure en hauteur, faite de poutrelles d’acier; un escalier s’enfonçant dans le sol; sur le plateau, du sable. L’ensemble est dépouillé, rude, aride: image de la dureté du sort des personnages, image aussi du danger. Le dispositif place les personnages, constamment, au bord du vide, menaçant ou invitant: vertige des sentiments exacerbés, de la douleur; appel de l’interdit, de l’inconcevable. À ce dispositif évocateur s’ajoutent les très beaux éclairages de Denis Guérette: atmosphère de mystère, où s’allument parfois des feux, lumière brutale. L’ensemble donne une impression de gravité, de grandeur; au centre : la parole, le texte magnifique de Racine.
Si chacun des comédiens est parfaitement investi dans son rôle, les personnages semblent, par moments, un peu lointains, comme si leurs tourments violents nous parvenaient à travers un filtre, maintenus à distance, dirait-on, par une esthétique imposante. Plusieurs moments d’émotion, toutefois, notamment dans l’interprétation de Denise Gagnon, en Oenone, dans celles de Lorraine Côté, dans le rôle de Phèdre, et de Patric Saucier, dans celui de Thésée.
Si l’ensemble paraît un peu froid par moments, et si certains choix de mise en scène étonnent, on trouve dans Phèdre la noblesse, la beauté du tragique, dans un spectacle aux allures de cérémonie.
Jusqu’au 17 février
Au Théâtre de la Bordée
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