Vivre : Cap tourmente
Scène

Vivre : Cap tourmente

Vivre est une pièce sombre qui marie l’oeuvre de Virginia Woolf à sa vie. Un plongeon en eaux troubles pour nageurs avertis.

Brigitte Haentjens s’est servie à même les écrits de Virginia Woolf pour créer un collage qui dévoile la complexité de l’écrivaine. Érigé sur la trame du roman Orlando, le texte expose, d’une part, les théories woolfiennes qui éclairent le processus créateur dont celles du "non-être" et du dessin derrière la ouate. De l’autre, il évoque les événements mornes – viol, évanouissements, dépressions – qui ont ponctué la vie de Woolf.

Tantôt portrait biographique, tantôt spectacle conceptuel sur le processus de création, la fiction répond ici à la réalité. Il en résulte un ouvrage cérébral, parsemé de lourdeurs. Le désir de vivre de Virginia Woolf, son tempérament sensible et amusant perceptible dans son oeuvre sont malheureusement laissés de côté. Il y a fort à parier que les becs fins littéraires seront déçus par cette mythification de la romancière. Quant à ceux qui ne connaissent de Woolf que le nom, ils seront à coup sûr désorientés.

La mise en scène d’Haentjens est par ailleurs remarquable. Les acteurs forment un trio convaincant. Céline Bonnier rallie avec grâce la fragilité et la force de Virginia Woolf. Amie, amante et soeur, Marie-Claude Langlois incarne parfaitement l’abondance et la chaleur. Jouant quant à lui l’époux de Virginia Woolf et d’autres personnages fictifs, Sébastien Ricard est constant et, à certains moments, très émouvant. Bien chorégraphiés, les mouvements des acteurs se fondent et ponctuent habilement les dialogues.

Soulignons le travail d’Anick La Bissonnière à la scénographie: épuré, le décor traduit l’angoisse et l’engouffrement. Le tapis ouaté qui habille le sol rend étrangement invitants les bas-fonds d’un univers tourmenté. Les panneaux courbés, sur lesquels défilent des images brumeuses, reflètent le tourbillon intérieur des personnages et invitent les spectateurs à y entrer.

Peu de créateurs ont le mérite de s’être attaqués au personnage et à l’oeuvre complexes de Woolf. On ne peut que saluer le courage de Brigitte Haentjens.

Jusqu’au 3 février
À l’Usine C
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Le film The Hours de Stephen Daldry