La Compagnie Marie Chouinard : Faire oeuvre de chair
Scène

La Compagnie Marie Chouinard : Faire oeuvre de chair

La Compagnie Marie Chouinard poursuit sa tournée québécoise pour présenter bODY_rEMIX/les_vARIATIONS_gOLDBERG avant de faire le tour du monde. La poésie toute nue de l’être humain entrevue par cette chorégraphe de renom.

Si les danseurs de sa compagnie dansent comme s’exprime Marie Chouinard, c’est à une oeuvre à la fois poétique, accessible et surprenante que nous sommes conviés avec bODY_rEMIX/les_vARIATIONS_gOLDBERG. D’entrée de jeu, la poésie de laquelle s’imprègne sa conception du corps nous permet de découvrir une primeur: alors qu’elle s’était jusque-là intéressée surtout à la poésie du geste, sa grammaire se moulant sur la structure et la souplesse du corps, elle vient de terminer un recueil de poèmes et cherche à courtiser quelque éditeur européen, consciente de la reconnaissance dont elle jouit sur le Vieux Continent.

Pour la chorégraphe montréalaise qui sculpte les mouvements depuis 28 ans, le corps, avec ses limites et ses possibilités, concentre l’univers dans une ultime mise en chair. Le considère-t-elle comme le simple matériau plus ou moins malléable qui lui permet de créer son oeuvre, ou devient-il l’objet par excellence d’une démarche de recherche et de création? "C’est les deux à la fois. C’est comme un laboratoire, un lieu d’expérimentation. C’est un creuset d’expériences, de connexions… C’est comme un réseau connecté à toutes sortes d’affaires dans le monde. Et en même temps, oui, c’est le corps, c’est cette chose hyper complexe qui est mon matériau d’expérimentation. L’humain est tellement complexe, il y a tellement de niveaux, d’étages de réalités et de perceptions, ça s’est construit par couches à travers les millénaires, la réalité, l’entité biologique de l’être humain… Et toutes ces couches-là sont des richesses enveloppées l’une dans l’autre comme des pelures d’oignon… C’est immense comme champ de réalités et de possibles… Et en plus, déjà que ça, c’est complexe, c’est en connexion avec d’autres humains, avec l’histoire, avec la culture, avec le temps, avec le cosmos… Wow, quel matériau!"

Dans bODY_rEMIX, un ballet en deux actes créé en 2005 en collaboration avec la Biennale de Venise, tous les danseurs de la Compagnie Marie Chouinard s’approprient différents supports (béquilles, cordes, prothèses, barres horizontales, harnais…). Si certains de ces objets sont d’emblée associés à des limitations, ils deviennent source de stimulantes contraintes pour les interprètes. Leur corps ainsi entravé doit se réinventer afin de se libérer par des mouvements inusités, montrant la fascinante capacité de résilience du corps humain. "L’être humain est tout le temps en train de chercher des solutions. Parce qu’on est tout le temps en train d’avoir des problèmes… Nous inventons nos vies, trouvons des réponses à nos questions. Ça fait partie de notre démarche, comme humain. C’est aussi une métaphore de la façon dont fonctionne notre cerveau, qui est toujours en train de s’inventer lui-même des béquilles, des supports, des constructions, pour que ça marche pendant quelque temps, son système social, son système de paix, son système de guerre… On est tout le temps en train de s’inventer des structures, tout le temps, pour que ça marche. Alors ça parle de ça, aussi, le spectacle."

Le motif de l’Éros, omniprésent dans les productions de Marie Chouinard, invite le spectateur à devenir une caresse tiède contre ces corps musculeux qui offrent comme beauté leurs élans ingénieux. Pour la chorégraphe, le spectacle de danse ne doit pas nécessairement être intellectualisé: "C’est une expérience qu’il faut vivre. Il ne faut pas trop penser, se demander "est-ce que je vais comprendre?" Ce n’est pas une question de compréhension. […] Quand quelque chose est beau, ça touche nos cordes sensibles. C’est direct, c’est là. C’est comme le rocher Percé… Pas besoin de me faire expliquer que c’est un monolithe qui perd 10 tonnes par année de matière… Pas besoin de rien savoir. Je pense que c’est la même chose pour mes oeuvres, parce que j’ose croire que mes oeuvres sont belles comme des paysages." Un paysage de chair et de muscles, avec ses douceurs, ses accidents et ses violences.

C’est sur la musique de Louis Dufort, s’inspirant des Variations Goldberg, de Jean-Sébastien Bach, qu’aura lieu l’ultime mise en chair. Près de 90 minutes de beauté en hommage à l’être humain, à sa capacité d’adaptation et à ses mystères les plus profonds. "J’ai l’impression, en tout cas j’espère, que les oeuvres que je fais sont très bonnes, même pour quelqu’un qui en serait au premier spectacle de danse de sa vie. Je souhaite vraiment ça!" En toute simplicité, l’invitation est lancée.

Le 13 février à 20 h
À la Salle Maurice-O’Bready
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