Louise Lecavalier : Deviens qui tu es
Louise Lecavalier, la légendaire interprète de La La La Human Steps, livre des aspects méconnus de sa personnalité et de son talent en incarnant les gestuelles contrastées de trois chorégraphes canadiens.
1999. Louise Lecavalier quitte la compagnie d’Édouard Lock dont elle a été la muse pendant 18 ans. Après avoir galvanisé les publics du monde entier et avoir inspiré nombre de vocations en offrant une image vitalisée de la danse contemporaine, elle se retire pour soigner une vieille blessure et vivre l’expérience de la maternité. Depuis, elle s’est faite plutôt discrète: elle apparaît brièvement en 2004 aux côtés de Tedd Robinson dans un court duo qui sera intégré l’année suivante dans la pièce Cobalt rouge où elle danse entourée de trois interprètes masculins. Intitulé Lula and the Sailor, ce duo a mûri pour figurer au sein d’un programme triple avec deux solos signés Benoît Lachambre et Crystal Pite. Une soirée tout en contrastes et en intensité qu’ont encensée les Européens et les Tokyoïtes qui ont déjà eu la chance de pouvoir l’apprécier.
"Ce qui m’a attachée à ces chorégraphes-là, même si au départ nous nous sommes rapprochés par intuition, c’est qu’ils ont une façon de bouger qui cherche dans le mouvement une sorte d’authenticité et de vérité à eux, confie Louise Lecavalier. Parce qu’il y a des gens qui travaillent très très bien la chorégraphie mais qui ne sont pas personnalisés dans le mouvement… Et moi, je suis une fan de mouvement. C’est comme si c’était une manière de ne pas tricher pour moi." De Crystal Pite, elle aime l’extravagance. De Tedd Robinson, sa façon de se montrer tout en cherchant à se cacher. Chez Benoît Lachambre, qui signe »I » Is Memory, la plus longue des trois pièces, c’est la quête de l’origine du mouvement au plus profond du corps.
Pour Louise Lecavalier, approfondir une gestuelle, se la "rentrer dans le corps", c’est ouvrir une fenêtre inconnue sur le monde. Voir à travers le regard de l’autre… et découvrir au bout du compte ses propres territoires. "J’ai toujours été surprise du résultat, de voir là où ça m’avait menée, commente la danseuse de 48 ans. Par exemple, je connaissais assez peu le travail de Crystal et ce qu’elle m’a proposé n’a rien à voir avec ce qu’elle a fait pour [bjm_danse] mais c’était en fait exactement ce qu’il fallait que je fasse. Parce que je l’avais à l’intérieur de moi et que je ne le savais pas!"
Dans Lone Epic, la chorégraphe vancouvéroise raconte en 16 minutes et avec l’humour qu’on lui connaît la vie d’un personnage traversé par toute une gamme d’émotions. "Crystal, c’est vraiment comme du cristal, souffle la danseuse dans un sourire. Le mouvement est vif et léger avec une puissance en arrière." Le solo a été créé à partir de 15 jours d’improvisation dans le style de Crystal Pite ("finalement pas si éloigné du mien"), qui est revenue deux mois plus tard avec la trame du scénario de cette épopée solitaire. À l’époque de la création de Lula and the Sailor, que Louise Lecavalier danse aujourd’hui en compagnie d’Éric Beauchesne, Tedd Robinson avait dû composer avec le corps encore blessé de la danseuse. La chorégraphie avait été créée geste après geste. Avec Benoît Lachambre, le matériel a été généré par des improvisations que le chorégraphe de par b.l. eux a ensuite structurées.
Si les doubles vrilles et les vols planés à l’horizontale ont forgé l’image de marque de Louise Lecavalier, elle a toujours cherché la force tranquille sous la prouesse technique. Tandis que le public s’ébahissait des performances et de la sueur, elle se concentrait sur la recherche d’un état méditatif. À l’époque, elle trouvait que la danse ne parlait pas assez fort. Aujourd’hui qu’elle se sait écoutée, elle peut se laisser glisser dans le minimalisme et la fluidité. Serait-ce une Louise vue de l’intérieur qu’elle vient nous présenter?
"C’est sûr que c’est peut-être plus apparent aujourd’hui mais mes quêtes ont toujours été les mêmes, répond la bombe explosive devenue soleil radieux. Mon désir de dépassement et de parler fort est encore là d’une certaine façon, même à travers des pièces qui s’articulent différemment. Dans celle de Benoît par exemple, j’ai amené une démesure dans l’univers dont il me parlait en cherchant toujours à le pousser plus loin… On dirait que j’ai le réflexe de toujours aller chercher un peu à l’opposé de ce qu’on m’amène. C’est pour ça que j’aime l’échange avec les chorégraphes et ça explique peut-être que je ne travaille pas encore seule. Parce que j’adore chercher l’autre côté des choses, mettre en contraste. Donc, je ne me sens pas en train de chuchoter dans cette danse minimale."
Benoît Lachambre parle même de "danse des rayonnements d’un phénix devenu sirène". On est bien impatient de voir le résultat de cette métamorphose…
Du 8 au 10 février à 20 h et le 11 février à 16 h
À la Salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
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