Michel Nadeau : Amnistie interpersonnelle
Scène

Michel Nadeau : Amnistie interpersonnelle

Michel Nadeau assure la mise en scène de Sans sang, adaptation théâtrale du roman d’Alessandro Baricco signée André Jean. Guerre et paix de l’après-guerre.

Cinquante ans après la fin de la guerre civile, une femme (Paule Savard) se retrouve dans un café en face de l’homme (Jack Robitaille) qui a bouleversé sa vie en tuant son père et son frère… "Ce qui est bien avec le roman de Baricco, et qu’on n’a pas vu beaucoup ailleurs, parce qu’il y a de très grands textes sur la guerre, c’est que ce sont des survivants, note Michel Nadeau. En fait, ce qu’il dit, c’est que la guerre continue dans le coeur de ces gens-là, et il propose une avenue pour arriver à la fin du conflit. C’est vraiment une pièce sur la réconciliation, le pardon pour apaiser les douleurs, un appel à la reconnaissance de la souffrance de l’autre. Tout à coup, la seule chose qui reste, c’est une sorte de compréhension mutuelle de ce qui est arrivé, chacun étant victime de la guerre." Cela dit, le passage à la scène de ce livre apparemment facile à adapter, compte tenu de ses nombreux dialogues, ne s’est pas fait sans un certain effort de théâtralisation de la parole, d’épuration sur le plan de la narration et, surtout, de remodelage temporel. "Les deux tiers du livre, les personnages sont à table et parlent. Ça se passe en deux temps, le passé et le présent, observe-t-il. Sur scène, c’est difficile d’occuper un espace avec ça. Alors, pour nous, ça se passe dans le présent avec des retours dans le passé. L’adaptation est très près du livre, mais il a fallu jouer avec le temps pour dynamiser cette parole et la faire vivre dans un espace théâtral."

Cet exercice se trouve d’ailleurs au coeur de sa mise en scène, s’inscrivant dans la continuité du travail amorcé avec Lentement la beauté et Les Mots fantômes. "En fait, je pars du postulat que tous les temps existent dans le présent, précise-t-il. Même si on vit une seconde à la fois, notre passé est toujours en nous. Et c’était une façon de l’intégrer dans le présent de la représentation. Parce que ce sont des gens obsédés par leur passé, ils n’en sortent jamais." De même, c’est par un parti pris d’évocation que le décor exprime à sa façon cette idée de souvenir. "Il s’agit d’un dispositif très épuré, qui ne représente aucun lieu et tous les lieux à la fois, explique-t-il. C’est-à-dire qu’à partir d’un simple signe – un éclairage, une chaise, l’orientation d’une table -, tout à coup, on se voit ailleurs." Quant au jeu des acteurs, il a cherché à le mettre au service des trois dimensions du texte, qui se présente à la fois comme un récit, une charge émotive et un débat d’idées. "Il fallait organiser ça pour qu’il y ait un équilibre entre l’émotion très forte des personnages et l’histoire qu’ils ont à se raconter, entre une grande vérité dans le jeu, une grande intensité et, en même temps, la clarté du propos, mais aussi, de l’argumentation, parce qu’on sent que, dans la guerre, ils n’étaient pas du même parti et ils n’ont pas changé d’idée. Alors, il fallait mener ces trois choses-là de front, en mettant l’accent quelquefois sur l’émotion, quelquefois sur les idées." Enfin, la réaction de ceux qui ont vu les répétitions jusqu’à maintenant l’amène à conclure qu’il s’agit d’"un spectacle très prenant, émouvant, dont se dégage une sorte de grande compassion envers ceux qui ont vécu ça".

Du 13 février au 10 mars
Au Théâtre Périscope
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