Absolu Théâtre : Prendre le T
Scène

Absolu Théâtre : Prendre le T

Absolu Théâtre poursuit son ascension dans les tranchées absurdes et monte Macbett d’Eugène Ionesco.

Tout le monde connaît le Macbeth de Shakespeare, fidèle général de Duncan – roi d’Écosse – qui en vient à tuer son souverain après que des sorcières lui eurent prédit l’accession au trône. C’est en 1972 qu’Ionesco revisite le texte original à travers le verre grossissant de sa loupe absurde et qu’il accouche de Macbett.

Il suffit de retracer le parcours de la compagnie Absolu Théâtre, qui a récemment produit deux spectacles de Beckett, pour constater l’amour qu’elle voue à l’absurde. "Je crois beaucoup aux vertus de la détente que le rire crée chez le spectateur et qui le rend plus disponible à recevoir", souligne Renaud Paradis, qui signe sa première mise en scène pour la compagnie fondée en 1998 par le comédien, auteur et metteur en scène Serge Mandeville. Parmi les collaborateurs réguliers, on retrouve notamment la comédienne Marie-Ève Bertrand.

ABSURDE ENGAGÉ

L’idée de monter Macbett est venue à l’équipe lors d’une lecture de la pièce en 2004, tout juste après la réélection de Bush. "À l’époque, j’étais en train de lire Hegemony or Survival de Chomsky, livre qui parle des États-Unis et de leurs National Security Strategies, un document publié en 2002 dans lequel ils affirment que ça irait mal si un pays osait s’armer autant que le leur… Les États-Unis ne supportent pas qu’un rival puisse être aussi puissant qu’eux. Quand on pense à leur volonté hégémonique, le lien avec Macbett est assez évident", lance Serge Mandeville, qui incarne justement cet assoiffé de pouvoir que devient Macbett. "C’est la pertinence du texte et l’écho qu’il trouve aujourd’hui qui nous ont convaincus de le monter", souligne Renaud Paradis. Il était par contre primordial pour ces derniers que le spectacle ne baigne pas dans une sauce moralisatrice. "Le défi était d’arriver à parler des événements actuels qui nous choquent et d’ancrer le show dans la réalité d’aujourd’hui, tout en restant dans l’histoire de Macbett", renchérit le metteur en scène.

RUPTURES DE TON

Mais la couleur engagée dont la joyeuse bande désire teinter le spectacle n’occulte en rien l’aspect comique et absurde de la chose. Exemple? Le groupe a décidé de rendre justice aux deux T du MacbeTT d’Ionesco. Ainsi, chaque fois que les comédiens déclameront sur scène le nom maudit, ils prononceront clairement les deux consonnes de la fin. "Si Ionesco a mis deux T, il doit y avoir une raison. Pourquoi ne pas le souligner et s’en servir?" dénote Renaud Paradis. Une preuve tangible que les jeunes membres de la compagnie prennent un malin plaisir à ajouter leur brin de folie à celle, débridée, d’Ionesco. "Comme metteur en scène, je me suis demandé ce qu’était l’absurde aujourd’hui. Ça nous a amenés à chercher un ton à mi-chemin entre le vrai tragique et Le coeur a ses raisons! Aucun élément n’a été ajouté, mais on a mis en exergue les passages qui nous semblaient les plus absurdes", soutient Paradis.

Et lorsque Serge Mandeville parle de son personnage, un enthousiasme sans borne l’envahit: "Il y a un gros fun à faire cela, à naviguer entre le tragique et l’absurde, à trouver les ruptures de ton tout en restant vrai." Le metteur en scène compte bien se servir de ces fréquentes ruptures de ton pour donner au spectacle une facture très "cartoon". "On est dans une salle de 40 places, on n’a pas de coulisses, et on utilise des accessoires en plastique. Ce qu’on dit aux gens, c’est: embarquez avec nous, on va vous raconter une histoire avec le plus de plaisir possible!" clame-t-il avec ferveur.

Du 20 février au 17 mars
À la Salle intime du Prospero
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