Olivier Lépine : Action de Grace
Olivier Lépine signe la mise en scène de Purifiés, de Sarah Kane, du "in your face theater" qui défie l’imaginaire en exigeant d’être respecté à la lettre. Sensations fortes.
"C’est un genre de théâtre plutôt rare ici, mais en Europe, c’est très fort, commence Olivier Lépine. Ça met le spectateur en face de trucs particulièrement violents ou qui font appel à ses instincts primaires." L’objectif: provoquer une forte réaction, qu’elle soit de fascination ou de répulsion. N’empêche, bien que l’obtention des droits d’auteur de Sarah Kane implique un engagement à respecter toutes les didascalies, l’artiste n’en a pas pour autant opté pour une mise en scène gore. "Des membres sont coupés, des rats apparaissent sur scène, il pleut, il neige; donc, un des beaux défis était d’essayer de trouver comment, par une image, une suggestion, réussir à faire en sorte que le spectateur comprenne ce qui se passe, mais sans aller dans le concret, fait-il valoir. Parce que sinon, ce serait très sanglant, et je pense qu’on passerait à côté du message de la pièce, tout comme si ça devenait trop beau et poétique." Ces idées, il a donc choisi de les exprimer à travers le mouvement, en faisant appel aux services du chorégraphe Daniel Bélanger. "Il y a environ une heure et dix de silences, de mouvements, de passages, d’attente, note-t-il. Ça donne au spectacle un caractère un peu flottant, brumeux, étrange."
Quant à l’histoire, éclatée, elle se dessine au gré d’un texte "très trash, violent et sombre", dont le mystère les a séduits. "Il faut accepter de ne pas tout comprendre, que ce texte demeure obscur par moments. De toute façon, Sarah Kane a, volontairement, pour chacune de ses répliques, donné la possibilité de trois ou quatre significations. Ce qu’elle voulait, c’était d’élargir le propos et les horizons théâtraux, d’amener le spectateur faire travailler son imaginaire pour construire l’histoire dans sa tête." Plus concrètement, Purifiés raconte la quête d’amour condamnée d’un groupe de jeunes vivant sous l’égide d’un docteur tyrannique et gravitant autour du personnage de Grace, dont le frère, idéalisé, meurt au début de la pièce. Des êtres qui, dans leur poursuite d’absolu, verront tant leur identité que leur corps mutilés.
Ce démembrement, il trouvera également un écho dans la scénographie. "Plus le décor se déconstruit, se découpe, se brise, plus la pièce devient lumineuse, comme si la purification passait par l’excès, comme s’il fallait qu’ils détruisent de plus en plus pour que, tranquillement, la lumière ressorte, observe le metteur en scène. Pour les costumes, il y a des couches qui s’enlèvent; les personnages sont de plus en plus libres, mais en même temps, ils ont de plus en plus froid et sont de plus en plus maganés, salis, tachés." À ce propos, il fait par ailleurs remarquer: "Ça aurait été facile de placer la pièce dans un asile et de dire: "Ce sont des fous." Mais alors, personne n’aurait pu s’identifier. Tandis que, selon nous, ils vivent des choses que chacun peut vivre ou a déjà vécu, c’est juste que c’est poussé à l’extrême." Voilà également pourquoi il a demandé aux comédiens de ne pas composer et de chercher en eux leur personnage. "Tranquillement, on s’attache à eux, ils deviennent super touchants par leur pureté, leur innocence, leur désir d’amour si fort", conclut-il, conscient que certains ne resteront peut-être pas jusqu’à la fin du spectacle, mais espérant surtout que les autres y trouveront matière à conversation.
Du 20 février au 10 mars
À Premier Acte
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