Une nuit arabe : Songe d’une nuit d’été
Avec Une nuit arabe, Theodor Cristian Popescu s’aventure une fois de plus sur un territoire qui fascine.
Theodor Cristian Popescu est ce qu’il est convenu d’appeler un éclaireur. Vigilant lecteur des dramaturgies contemporaines, il est le premier à avoir monté chez nous la Serbe Biljana Srbljanovic et l’Allemand Marius von Mayenburg, des auteurs avant-gardistes que l’on célèbre de par le monde. Chaque fois que l’homme jette son dévolu sur une oeuvre, on est saisi par sa pertinence et sa singularité. Ces jours-ci, le metteur en scène nous fait découvrir une pièce de l’Allemand Roland Schimmelpfennig: Une nuit arabe.
Loin du spectaculaire, avec beaucoup de minutie, le metteur en scène a sculpté l’aire de jeu, choisi les sons et les lumières, orienté les corps, jusqu’à faire surgir tout un univers, un espace physique et mental où l’oeuvre se déploie, pleinement. Sous sa houlette, les acteurs se tiennent avec superbe, surtout Evelyne Brochu et Cristina Toma, sur le fil ténu qui sépare le naturalisme de l’allégorique, le quotidien du rêve, la banalité du fantasme. Au cours de cette nuit arabe, c’est-à-dire exotique, du moins d’un point de vue occidental, le spectateur est entraîné dans les dédales d’une tour d’habitation où rien ne va plus. Entre Vanina, Karpati, Lemonnier, Fatima et Khalil, le désir circule librement, balaie tout sur son passage. Forcément, le spectacle qui en résulte est étrange, polymorphe, atypique… et c’est exactement ce qui le rend si captivant. Tenant aussi bien du vaudeville que du merveilleux, évoquant Feydeau aussi certainement que Cocteau, la représentation envoûte, littéralement. Y sont pour beaucoup les très riches ambiances musicales de Michel F. Côté et l’ingénieux décor de Magalie Amyot, rugueux labyrinthe où la lumière de Marc Parent semble battre, tout comme le sang aux tempes de l’amant.
La semaine dernière, Roland Schimmelpfennig, dont on dit qu’il est le dramaturge allemand le plus produit dans le monde, était à Montréal, notamment pour assister à la création québécoise de sa pièce. Parions que la lecture a trouvé grâce à ses yeux. Chose certaine, ce spectacle confirme qu’il y avait bel et bien une place pour un passeur aussi avisé que Popescu dans le milieu théâtral montréalais.
Jusqu’au 24 février
Au Théâtre de Quat’Sous
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