La Locandiera : La Galère
Avec La Locandiera, le Théâtre des gens de la place met un terme à sa saison 2006-2007. Entretien avec la metteure en scène Eveline Charland et la comédienne Cindy Rousseau.
Chaque saison depuis quatre ans, Eveline Charland monte l’une des trois pièces du Théâtre des gens de la place (TGP). C’est avec Le Malade imaginaire de Molière que la jeune femme s’était fait les dents. Puis, elle s’était attaquée au classique de Dumas, Les Trois Mousquetaires, avant de plonger dans l’univers douloureux d’Un simple soldat de Marcel Dubé. Cette fois-ci, elle opte pour la légèreté en donnant vie aux amusants personnages de La Locandiera de Carlo Goldoni, le Molière italien.
"C’est vraiment un divertissement pur et simple!" lance la metteure en scène à propos de la pièce qui prend l’affiche cette semaine. "Après Un simple soldat, j’avais absolument besoin de ça. Parce que dans Un simple soldat, je pleurais à toutes les répétitions. J’ai donc décidé de lâcher mon fou un peu." En effet, La Locandiera ("L’aubergiste" en italien) nage dans les ondes de l’humour. L’histoire s’articule autour de Mirandoline (Cindy Rousseau), une jolie aubergiste qui fait craquer tous les hommes… ou presque. Seul le chevalier Ripafratta (François Gagné), un être misogyne et agressif, résiste à ses charmes. La demoiselle se donne alors le défi de le rendre fou d’amour pour elle. Mais ça ne sera pas sans risques!
Si elle a longtemps hésité avant de jeter son dévolu sur La Locandiera, Eveline Charland a vu dans le choix de cette pièce une occasion d’offrir (enfin!) un rôle consistant à la comédienne Cindy Rousseau, qu’elle apprécie beaucoup. "C’est la première fois de sa vie qu’elle a un grand rôle comme ça. Je trouvais que c’était un texte qui lui collait très, très bien, dans le fait qu’elle est une belle fille séduisante et tout, mais qui a aussi du caractère. Ce n’est pas une jeune première, ce n’est pas une ingénue." Il faut avoir vécu, jouir de quelques années d’expérience pour incarner avec justesse une Mirandoline. Rencontrée dans un café, Cindy Rousseau admet d’ailleurs que le rôle exige beaucoup. "Ce n’est pas évident à jouer parce que c’est toujours un double jeu." D’un côté, l’héroïne met le paquet pour charmer le chevalier, de l’autre, elle se fait complice du public en lui montrant clairement qu’elle bluffe, qu’elle s’amuse seulement avec le coeur du récalcitrant. Malgré tout, pour la comédienne, jouer le personnage de Mirandoline se révèle une bouffée d’air frais. "J’avais hâte de jouer une fille de bonne humeur. J’ai joué beaucoup de personnages qui étaient des espèces de vipères, des femmes méchantes. Dans le Malade imaginaire, j’ai joué la femme du malade, qui essayait de lui soutirer son argent, qui avait hâte qu’il meure pour avoir son argent. Même chose dans Les Trois Mousquetaires, où je jouais Milady. C’est le fun, jouer les méchantes. Des fois, c’est plus facile que de jouer la comédie. Mais j’avais hâte d’avoir un personnage qui a une joie de vivre, qui n’est pas méchant, qui est plein de bonne volonté et qui a juste envie de s’amuser."
UNE VIEILLE HISTOIRE?
Devant un espresso, Eveline Charland avoue que La Locandiera, comédie vénitienne du XVIIIe siècle, s’est un peu empoussiérée avec le temps. Avec l’aide de son équipe, elle a donc repiqué le texte et a remanié certains personnages. "C’est un texte qui, à la base, est un peu simple. Tout repose sur le jeu des comédiens et sur l’interprétation qu’on en fait avec la mise en scène. On y a ajouté énormément d’affaires: des gags, des clowneries…" dit-elle en retenant son rire. Elle poursuit: "C’est un texte qu’il faut réinventer un peu, je pense. Ça se passe en 1753. Carlo Goldoni a écrit ça dans le but de faire bouger les choses. Il a voulu monter une pièce jouée avec réalisme, enlever tous les travers de la commedia dell’arte. Il a voulu faire une critique de la société. Mais, de nos jours, ce n’est plus intéressant de rire des travers des gens riches, de la bourgeoisie de Florence en 1750. Nous autres, ça ne nous touche plus beaucoup." Cindy Rousseau, quant à elle, voit la pièce sous un tout autre éclairage: "Oui, le texte n’est pas actuel. C’est du théâtre classique, donc on parle dans un français international. Mais je trouve que le sujet est encore d’actualité: les jeunes qui ont de la misère à se caser. Tout le monde est libertin aujourd’hui. Tout le monde a le goût d’aller voir partout ailleurs. On est trop libre, tellement qu’on ne sait plus ce qu’on veut."
UNE ÉQUIPE DÉLIRANTE
Au fil des productions, Eveline Charland travaille souvent avec les mêmes comédiens. Certains lui en font parfois le reproche. "Évidemment, on aime ça s’entourer de gens avec qui on est à l’aise pour travailler, d’amis. C’est sûr! Il y en a qui disent que c’est toujours la même petite clique. Pourtant, il y a beaucoup de nouveau monde dans cette distribution, entre autres deux jeunes filles qui étudient à Chavigny et que j’ai découvertes par les auditions. J’essaye toujours d’ajouter de nouvelles personnes dans mes distributions. C’est le mandat du TGP de laisser la chance au plus grand nombre possible de gens de jouer", se défend-elle. Ainsi, à ses comédiens fétiches que sont Cyndi Rousseau, François Laneuville, Martin Francoeur, France Levasseur et Marie-Andrée Leduc s’ajoutent Joliane Dufresne, François Gagné, Maxime Gagnon, Renaud Laperrière et Carolane Vallières.
Les jeudis, vendredis et samedis
Du 22 février au 3 mars à 20h
À la salle Anaïs-Allard-Rousseau
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