Sans sang : Souvenirs intimes
Scène

Sans sang : Souvenirs intimes

Sans sang propose une solution pour mettre fin aux hostilités d’après-guerre. Un geste quelque peu romanesque, certes, mais fondé sur des motivations authentiques.

Un serveur remarque une femme (Paule Savard) de l’autre côté de la rue. Elle se rend au kiosque à billets de loto et invite le vendeur (Jack Robitaille) à prendre un verre. Elle l’a retrouvé; il savait que ce jour viendrait. Attablés au café, ils partagent leurs souvenirs de cette nuit où, 50 ans plus tôt, ils se sont croisés pour la première fois, de cette nuit où il a participé à l’assassinat du père et du frère de la petite fille qu’elle était, puis de ce qui s’est passé ensuite, après qu’il l’ait abandonnée dans la maison en flammes…

Par la poésie de son langage et de ses images ainsi que par son aspect narratif, Sans sang, adaptation théâtrale du roman d’Alessandro Baricco signée André Jean, conserve de ces accents littéraires qui, bien que surlignant parfois ce que la situation exprime déjà d’elle-même, font également le charme de cette production, tant par leur beauté que par la densité qu’ils lui confèrent. Ainsi, plutôt que de seulement représenter les événements, ou encore, de se contenter de les relater à travers les dialogues, la pièce conjugue ces deux avenues, en faisant appel à un narrateur et même, parfois, à la manière d’un livre, en nous donnant accès à l’intériorité des protagonistes, non sans également nous montrer tant ce qui arrive que ce qui est arrivé. De sorte que l’influence du passé sur le présent devient on ne peut plus manifeste, que les personnages, par l’évocation de ce qu’ils ont vécu, gagnent en profondeur. Un bagage qui se matérialise littéralement dans la mise en scène de Michel Nadeau où, au gré des discrètes métamorphoses du dispositif à la fois simple et ingénieux de Monique Dion (décor et accessoires), les diverses époques cohabitent à l’intérieur de l’espace scénique, tandis que les mêmes visages reviennent constamment dans des rôles différents. Il apparaît alors évident que les héros, servis par l’interprétation solide des comédiens, demeurent hantés par leur passé. Et si la ponctuation du discours par des sons dramatiques n’apparaît pas toujours des plus heureuses, l’atmosphère de café créée par le jeu et la musique, notamment, relève d’autant plus le drame qu’elle s’en fait le contrepoint. Bref, une histoire qui s’insinue en nous, doucement mais sans détour, pour nous intéresser et nous toucher.

Jusqu’au 10 mars à 20h
Au Théâtre Périscope
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