Forêts : Beauté sauvage
Scène

Forêts : Beauté sauvage

Forêts, spectacle singulier et magnifique de Wajdi Mouawad, éblouit l’oeil, frappe l’esprit, touche le coeur.

Par des allers-retours d’aujourd’hui à un hier de plus en plus lointain, plongeant jusqu’en 1870, Forêts nous fait traverser tout le XXe siècle. Au passage, la pièce récolte, recolle les morceaux de la lignée familiale de Loup, jeune fille de 16 ans en quête de ses origines.

Mise en scène et écrite par Wajdi Mouawad, en collaboration avec toute son équipe, Forêts nous emporte dans une histoire aux allures de fable par les liens, coïncidences et éléments échappant parfois au réalisme qu’elle propose. S’y croisent les destins individuels, déchirés par les guerres, les violences et les tourments, ceux des êtres et de ce XXe siècle plein "de bruit et de fureur", pour emprunter les mots de Shakespeare. Sur ce théâtre de l’histoire, collective et individuelle, passent les naissances, les morts, les promesses, celles que l’on tient, celles que l’on trahit.

Pour raconter cette riche saga courant sur sept générations, Wajdi Mouawad signe une mise en scène magnifique, entre dépouillement et symbolisme, aux images puissantes: visions étranges et belles, fulgurantes. Du décor épuré – trois murs, une table, des chaises – surgissent des univers variés. Sur l’ensemble, les éclairages superbes d’Eric Champoux créent textures, couleurs, jeux d’ombre.

Se mélangent les lieux, se mêlent aussi les différentes époques, d’une scène à l’autre ou au coeur d’une même séquence. Ces changements et amalgames résultant du jeu, pleins de virtuosité, toujours fluides, et la portée symbolique qu’ils prennent parfois impressionnent. S’y ajoute à l’occasion une certaine circularité dans le texte, les gestes: l’histoire se répète, se prolonge, la filiation laissant, au-delà de la conscience, des traces persistantes. Les comédiens, finement dirigés, se transforment complètement au gré de leurs différents rôles. Excellents, parfaitement investis, ils portent avec énergie et ferveur, pendant quatre heures, cette aventure immense et ses personnages.

Théâtre de contrastes, Forêts mêle le doux et le monstrueux, l’exceptionnel et l’universel, l’émotion et le frisson d’effroi. En résulte un univers mystérieux, sur lequel passent un souffle tragique, un vent de beauté sauvage et, au bout des ténèbres, une lumière pure, bouleversante.

Jusqu’au 17 mars
Au Grand Théâtre
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