Ginette Laurin : Attache-moi!
Scène

Ginette Laurin : Attache-moi!

Ginette Laurin présente sa nouvelle création dans le cadre de la programmation de Danse Danse. Une étude #3 pour cordes et poulies interprétée par neuf danseurs.

Il y a presque trois ans, au temps où la compagnie O Vertigo n’avait pas encore élu domicile au sous-sol de la Place des Arts, Ginette Laurin et ses danseurs ont amorcé la recherche qui a finalement abouti à cette nouvelle création. "L’idée était de créer des systèmes sur l’aléatoire en représentation pour enlever un certain contrôle à l’interprète et jouer sur sa vulnérabilité, explique la chorégraphe. Le système de liens entre les danseurs s’est avéré le plus concluant."

Dans la plupart des quelque 20 tableaux qui composent la pièce, les interprètes sont donc liés entre eux, souvent par deux. Parfois, ils sont rattachés à un point fixe situé en coulisses ou dans les cintres, ceinturés de harnais qui permettent de les soulever dans les airs. Attachée par une corde à chaque membre, Brianna Lombardo est même transformée en marionnette, manipulée par quatre autres danseurs grâce à un système de poulies. Vous avez eu la chance de voir la dernière création de Marie Chouinard? Attendez-vous à découvrir une tout autre déclinaison du principe de l’entrave et du harnachement.

"C’est une pièce qui parle des liens que l’être humain tisse avec ses proches, ses rêves, son univers, et de la façon dont il s’empêtre dedans pour finir par revenir à sa solitude, poursuit Ginette Laurin. De façon visuelle et chorégraphique, c’est une pièce qui évoque les points de fuite, de tension, et les vibrations entre deux corps. Il y a aussi beaucoup d’émotions au sens où les danseurs essaient de faire des choses et qu’ils en sont empêchés. C’est cet effort qui est très touchant."

Sans raconter d’histoire particulière, étude #3 pour cordes et poulies explore cet aspect spécifique de la condition humaine par la voie du mouvement mais également de l’émotion. Ainsi, trois des danseurs incarnent des sortes de personnages qui provoquent des situations ou sur lesquels l’action est centrée. Parmi ceux-ci se trouvent Robert Meilleur, un complice de très longue date, et Jamie Wright, une nouvelle recrue, "une danseuse époustouflante et généreuse" dont a pu apprécier le talent ces cinq dernières années dans les chorégraphies de José Navas. Le troisième aurait dû être Pierre Lecours, autre petit nouveau au sein de la compagnie. Blessé, il est temporairement remplacé par Frédéric Marier pour les parties dansées et par un jeune inconnu pour les séquences plus théâtrales. Il s’agit de Rémi Laurin-Ouellette, fils de la chorégraphe qui termine sa formation d’interprète aux Ateliers de danse moderne de Montréal après avoir oeuvré professionnellement dans le milieu du théâtre et du cinéma.

Certaines scènes de la chorégraphie se concentrent donc sur la portée dramatique des mises en situation et sur la puissance émotionnelle de la présence immobile des danseurs. Et pour s’assurer de la cohérence du propos et de la cohésion de son oeuvre, Ginette Laurin s’est offert la collaboration de la dramaturge Stéphanie Jasmin. "J’ai été très prise par le langage gestuel et c’était bon d’avoir une dramaturge pour me rappeler la source première de la pièce et me questionner sur chacun des tableaux, confie-t-elle. D’avoir une ressource juste pour moi, pas pour nourrir les interprètes… Stéphanie m’a beaucoup aidée dans la construction de la pièce sur la dynamique, la rythmique et les transitions: comment passer d’un état à un autre sans que ce soit à travers un jeu théâtral ou dramatique mais en utilisant, par exemple, une ponctuation musicale ou de lumière."

Après l’intimité proposée dans ANGELs, Ginette Laurin renoue avec ce qu’elle appelle "les pièces de grande envergure" et nous promet une oeuvre poétique traversée par la fougue du mouvement et marquée par l’énergie de la vie malgré les tiraillements et les contraintes. Un joli fruit tout frais à croquer à pleines dents.

Du 8 au 10 mars
Au Théâtre Maisonneuve de la Place des Arts
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