Les Jours fragiles : Le sang d'un poète
Scène

Les Jours fragiles : Le sang d’un poète

Les Jours fragiles, une incursion dans la douloureuse mémoire de la famille Rimbaud.

Le Théâtre Complice s’est donné pour mission de faire découvrir à son public des oeuvres singulières. Depuis 1994, Denis Lavalou endosse ce mandat avec autant de jugement que de talent. Ces jours-ci, il ose porter à la scène Les Jours fragiles, un roman du Français Philippe Besson sur les derniers mois de Rimbaud.

Dans la maison de Roche, où Arthur, malade, amputé, est forcé de revenir, il y a beaucoup de secrets, de mensonges, de tabous et d’interdits. La soeur est bigote, la mère est froide, presque muette et le fils est condamné à vivre des jours fragiles, ceux qui précèdent la mort. Six mois d’agonie, de mort lente. Loin du soleil de l’Afrique, loin du corps des hommes, loin de la passion et de l’ivresse qui était sa raison de vivre, Arthur s’étiole. Dans ses carnets intimes, Isabelle, celle qui retrouve un frère, raconte en détail chacune de ces journées. Sur scène, c’est la mère qui, des années après la disparition de son fils, met la main sur lesdits carnets et entreprend de les lire sous nos yeux. Ouvrir ce journal, c’est bien entendu prendre le risque de réveiller les morts, de raviver des souvenirs douloureux. La prose de Besson, autrement dit celle d’Isabelle, est adroitement redistribuée dans les bouches des trois personnages, sans rien ajouter, simplement en changeant les déterminants et les pronoms.

Un procédé peut-être trop respectueux de l’oeuvre, puisque la représentation ne s’affranchit jamais véritablement de son caractère éminemment littéraire. Les phrases sont prononcées, mais elles ne quittent jamais la page. Dans le rôle effacé de Vitalie, Ginette Morin fait assez bonne figure. Quant à Marie-Josée Gauthier, elle incarne Isabelle de manière très émouvante, mais semble parfois dépassée par le flot de mots qu’on lui a confié. Seul Marcel Pomerlo arrive à rendre cette langue vivante. Chaque fois qu’il ouvre la bouche, les mots coulent de source, les images s’imposent, le dit et le ressenti ne font plus qu’un. Au coeur du spectacle mis en scène avec sobriété par Denis Lavalou, il y a Arthur, le magnétisme d’Arthur, brillamment endossé par un Pomerlo tourmenté, incandescent. Cet acteur finira-t-il jamais de nous surprendre?

Jusqu’au 10 mars
Au Théâtre Prospero
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