Maxim Gaudette et Catherine Trudeau : Le tourbillon
Scène

Maxim Gaudette et Catherine Trudeau : Le tourbillon

Maxim Gaudette et Catherine Trudeau incarnent Tréplev et Nina dans La Mouette, dernier volet d’un doublé Tchekhov signé Yves Desgagnés.

Après avoir créé un superbe Oncle Vania entre les murs de la Compagnie Jean Duceppe, le metteur en scène Yves Desgagnés, ses acteurs et ses concepteurs traversent la rue pour replonger dans le spleen tchékhovien. Avec La Mouette, la troupe est sur le point de déployer sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde un tragique réseau d’amours à contretemps. La pièce, créée en 1898, scrute les trajectoires de 11 personnages, tous désespérément seuls, cruellement désillusionnés, en deuil de leurs propres vies.

Il y a Arkadina (Maude Guérin), l’actrice célèbre; Trigorine (Henri Chassé), l’écrivain consacré; Macha (Kathleen Fortin), la fille des intendants de la propriété, Chamraïev (Jean-Pierre Chartrand) et Paulina (Patricia Nolin); Dorn (Michel Dumont), le médecin; Medviédenko (Roger La Rue), l’instituteur; Yakov (Jean-Sébastien Lavoie), l’ouvrier, Sorine (Gérard Poirier), le frère âgé d’Arkadina et, finalement, Nina (Catherine Trudeau), la mouette, la jeune fille qui rêve de devenir une actrice, aimée sans retour par Tréplev (Maxim Gaudette), le fils d’Arkadina, qui tente pour sa part d’exister malgré une mère excessive.

SE BRISER LES AILES

D’entrée de jeu, nous avons demandé à Catherine Trudeau de décrire Tréplev, le personnage de Maxim Gaudette: "C’est un garçon qui a un mal de vivre profond. Il n’est pas né à la bonne place, au bon moment, avec la bonne mère, dans la bonne maison. Pourtant, c’est un garçon intelligent. Il a un certain talent, de l’aplomb et de l’allure. Ce n’est pas un perdant. Mais il n’est pas doué pour le bonheur." Puis, Maxim Gaudette se prête au même exercice: "C’est la même chose pour Nina, elle n’est pas née au bon endroit. Son père la retient à la maison, ne lui laisse aucune liberté, alors qu’elle a un besoin d’évasion tellement fort. À force de fréquenter les artistes qui se trouvent de l’autre côté du lac, elle rêve de leur ressembler. D’une certaine manière, c’est ce qui va la perdre, cette fascination pour la gloire et le succès."

Existe-t-il encore des Nina et des Tréplev en 2007? "Je suis sûr qu’il y a des millions de Tréplev dans le monde, lance Gaudette, des individus qui ont un manque d’amour tellement grand, qui se sentent incompris." Catherine Trudeau abonde dans le même sens: "Des Nina, on en voit tous les jours à la télévision. Des garçons et des filles qui s’imaginent qu’il n’y a pas de plus grand bonheur que d’apparaître dans les journaux à potins. C’est agaçant de dire que cette pièce a un répondant contemporain, mais c’est vrai! Dans Oncle Vania, Astrov avait un point de vue très avant-gardiste sur l’environnement. Cette fois, il y a ce discours très actuel sur la célébrité comme source de bonheur."

Il faut bien admettre que Nina et Tréplev sont des personnages éminemment contemporains. Lui est révolté contre son époque, ses parents, son milieu, sa société. Elle rêve de gloire, de reconnaissance, de voyages et d’applaudissements. Aujourd’hui, Tréplev serait sans doute un poète de la rue en quête de tendresse, un anarchiste brandissant sa révolte; Nina serait vraisemblablement la tête de Turc d’une émission de téléréalité, une aspirante au succès dans un concours populaire.

Pour décrire les personnages de La Mouette, on ne peut s’empêcher d’utiliser la formule lapidaire de Michel Tremblay: "une gang de tu-seuls ensemble". Selon Gaudette, c’est ce repli qui rend le bonheur de Tréplev et Nina impossible: "Ils sont beaucoup sur eux, sur leurs problèmes à eux. Il n’y a pas de réelle ouverture à l’autre, pas de volonté de comprendre ou d’aider l’autre. Ils s’écoutent sans s’écouter. Ce sont des solitudes qui se côtoient sans jamais se rejoindre." "Pourtant, ajoute Trudeau, ils ont tout pour être heureux. Pour que ça change, il suffirait qu’ils voient les choses autrement."

Du 6 au 31 mars
Au Théâtre du Nouveau Monde
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C.V.

Depuis qu’ils sont sortis du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, lui en 1997 et elle en 1999, Maxim Gaudette et Catherine Trudeau cumulent les rôles en or. Récemment, il a été Louis dans L’Échange, Alexis dans Cheech, Albert dans Gertrude [Le Cri], Max dans Désordre public et Gary adulte dans La Promesse de l’aube. Ces dernières années, elle a été Lucrèce dans Le Menteur, Anne Page dans Les Joyeuses Commères de Windsor, Viola dans La Nuit des rois et Anne dans Le Traitement. Parce qu’elle interprétait magnifiquement Sonia dans Oncle Vania, on sait déjà que la rencontre de Catherine Trudeau avec Tchekhov était prédestinée. On saura bientôt si Maxim Gaudette exprime avec autant de justesse le tourment tchékhovien.