Nager en surface : À la dérive
Scène

Nager en surface : À la dérive

Avec Nager en surface, féroce concentré d’humour et d’ironie, le cycle états-unien du Théâtre de l’Opsis prend un tournant carrément jouissif.

Deuxième station du cycle états-unien de l’Opsis, Nager en surface brosse un portrait irrésistible du désengagement amoureux de notre époque. Metteur en scène et traducteur, Serge Denoncourt embrasse, avec toute la folie et la retenue qui s’imposaient, le constat délirant et pourtant irréfutable d’Adam Bock.

On rit, fort et beaucoup, durant l’heure et demie que dure ce spectacle débridé. Si la caricature est à ce point réussie, à ce point savoureuse, c’est qu’elle côtoie une finesse d’observation peu commune. En tirant le meilleur des conventions théâtrales, en fragmentant allègrement son récit, en insérant quelques scènes de rêves pas piqués des vers, Adam Bock parvient à traduire le rythme affolant de nos vies, la superficialité inouïe de notre quotidien, cette quête perpétuelle d’un équilibre plus qu’improbable. Il faut bien l’admettre: on s’observe dans ces six habitants du Rhode Island comme dans un miroir. Une impression que vient renforcer la langue, éminemment québécoise. Ces trois couples, hautement dysfonctionnels, permettent à l’auteur de dévoiler les invraisemblables errances contemporaines du rapport amoureux. À la dérive, ces six individus ne trouvent plus le temps, l’énergie ni le courage d’aimer. Pleins de bonne volonté, parcourus de sentiments véritables, ils semblent avoir égaré le mode d’emploi. Plutôt que de s’avancer dans les profondeurs de leurs relations, ils pataugent en surface, s’accrochent à la première insignifiance venue comme à une bouée de sauvetage.

Plutôt que d’affronter Bob (Stéphane Breton), Barb (Annick Bergeron) s’est mis en tête de se débarrasser de tout ce qu’elle possède. Plutôt que de pourfendre sa peur du mariage, Carla Carla (Élise Guilbault) reproche à Donna (Marie-France Lambert) de fumer. Plutôt que de tenter de garder un homme dans sa vie plus qu’une nuit, Nick (Pierre Bernard) tombe amoureux d’un requin (Patrice Godin). Évoluant dans le sobre décor de Louise Campeau, devant et derrière les projections hilarantes de Jean-François Caissy, dans les éclairages de Luc Prairie, les costumes de François Barbeau et sur les airs entraînants de Nicolas Basque, les comédiens sont à la hauteur, mais les comédiennes brûlent les planches.

Jusqu’au 17 mars
Au Théâtre Espace GO
Voir calendrier Théâtre

À voir si vous aimez
Le film Shortbus de John Cameron Mitchell
La pièce Couche avec moi (c’est l’hiver) de Fanny Britt