Purifiés : La passion
Scène

Purifiés : La passion

Purifiés déchaîne violence et cruauté jusqu’à faire ressortir le caractère vital de leurs réciproques, jusqu’à la catharsis. Calvaire fleuri de la condition humaine.

Avec Purifiés, Sarah Kane raconte moins une histoire qu’un état, soit le martyre d’êtres subissant les pires sévices au nom de l’amour, sans lequel ils ne seraient de toute façon pas moins amputés, estropiés, incomplets, sans lequel leur voix, leurs sens, leurs membres n’auraient de toute façon aucune utilité. Ainsi, Grace (Alexandrine Warren) va jusqu’à la transsexualité pour faire revivre à travers elle son frère et amant Graham (Raphaël Posadas), mort d’une overdose, tandis que Carl (Jocelyn Pelletier), jeune homosexuel idéaliste, se fait mutiler par Tinker (Jacques Leblanc), le "docteur " à tablier de boucher régnant sur cette petite communauté, chaque fois qu’il exprime ses sentiments à l’endroit de Rod (Jonathan Gagnon). Même la danseuse (Laurie-Ève Gagnon), renonçant à son nom, et Robin (Maxime Perron), qui porte les vêtements de Grace, voient leur désir d’amour constamment contrarié, éprouvé…

S’il s’agissait d’un film pour la télé, on aurait droit à la totale en matière d’avertissement: violence, sexualité et langage vulgaire. Toutefois, ce spectacle a beau nous présenter un univers marginal et brutal de la façon la plus explicite possible, au gré de gestes suggestifs et d’images fortes, voire d’agressions sonores, encore plus que de mots, on y demeure toujours dans l’évocation, dans la représentation artistique des atrocités ou encore des rencontres intimes dont il est question, plutôt que dans le sensationnalisme. Autant dire que la mise en scène d’Olivier Lépine table sur ce que l’imagination du spectateur peut avoir de redoutable, non sans également éviter que la pièce s’abaisse au niveau des horreurs qu’elle dénonce, pour au contraire les mettre au service d’un discours plus profond, véritablement incarné, tout en laissant à chacun le plaisir d’y aller de sa propre interprétation. Cela, suivant le mouvement des corps, tantôt sous l’effet de l’amour, tantôt sous celui des coups, de la torture (Daniel Bélanger), alors que, dans le décor (Marie-Renée Bourget Harvey et Amélie Trépanier) aux allures de salle de bains ou d’étal – c’est selon -, l’eau coule aussi bien que le sang, qui du rose fluo des cheveux de Grace, qui d’un noir d’encre. Des symboles que la sincérité du jeu enracine par ailleurs dans une émotion bien réelle. De sorte qu’entre le beau et le sordide, le pur et l’infect, l’extrême et le juste s’y crée une synergie dont résulte un ensemble saisissant.

Jusqu’au 10 mars
À Premier Acte
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