Christian Vézina : Tisons hurlants
Mis en scène et interprété par Christian Vézina, Ils ne demandaient qu’à brûler se reçoit comme un cadeau et un hommage à la poésie de Gérald Godin.
Ici comme ailleurs, les institutions liées à la poésie peuvent difficilement fournir les outils nécessaires pour porter le genre sur scène comme on le fait avec le théâtre. Ainsi, la poésie est habituellement offerte au public par les poètes mêmes, ce qui donne à ces soirées des accents de vérité qui méritent le détour, et permettent aux gens d’avoir accès à certains codes supplémentaires de lecture, de saisir la pudeur (ou la vanité!) qui se cache derrière certains vers et de recevoir une foule d’autres choses.
L’autre côté de cette médaille, c’est que la poésie sur scène bénéficie rarement d’un oeil extérieur et d’un professionnel des planches pour lui rendre la résonance qu’elle mérite. Les institutions théâtrales, eh bien, elles ont aussi leurs propres mandats et il est rare qu’on prenne des poèmes pour en faire un véritable objet théâtral. Il faut dire qu’au premier abord, l’exercice semble périlleux: il n’y a pas, à proprement parler, de personnages, ni d’histoire, et on croit trop à l’incapacité des gens à recevoir ce type de paroles éclatées.
Pour une histoire de pointes de tarte à l’argent, de malentendus et de désintérêt de part et d’autre, les deux milieux collaborent rarement. Il faut croire que ça prend des passions et des initiatives toutes personnelles pour mener ce genre de projets à bouts de bras, et ça, ça épuise… Au point que le spectacle de Christian Vézina, malheureusement, sera peut-être le dernier du genre qu’il nous offrira. À l’instar du Pépin à la fissure du poète Patrice Desbiens, une autre initiative du genre mise en scène et interprétée par Alain Doom, Ils ne demandaient qu’à brûler de Gérald Godin est un spectacle alliant poésie et théâtre totalement réussi. Christian Vézina plonge dans la rétrospective du même nom (publiée à l’Hexagone) avec une intelligence digne de mention. Le pari est audacieux, car il ose imposer son regard sur cette oeuvre évidemment polysémique et nous entraîner totalement dans l’univers de Godin (1938-1994).
Dans le plus grand respect du poète engagé qui fut aussi ministre, Vézina incarne les poèmes, dont les Cantouques, avec la rage que commande le texte ("j’ai mal à mon pays"), mais aussi avec la tendresse et la déroute (Godin a été aphasique) que cela implique. Merci, Christian Vézina.
Jusqu’au 10 mars
À la Salle Fred-Barry
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La poésie de Gérald Godin